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Le dernier royaume

Le dernier royaume

Titel: Le dernier royaume Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Bernard Cornwell
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lis !
    Je vérifiai.
    — Ce n’est point forlegnis ?
    —  Mais bien sûr que non ! s’exclama-t-il,
rouge d’indignation. Ce mot signifie…
    Il se tut, se rendant compte qu’il ne m’enseignait point
l’angle, mais la lecture.
    — Prostituée, dis-je. Je sais ce qu’il veut dire. Je
sais même combien elles demandent. Il y a une rousse à la taverne de Chad qui…
    —  Forlidan, me coupa-t-il. C’est le mot forlidan. Continue.
    Ces semaines furent étranges. J’étais un guerrier,
désormais, un homme, et pourtant, dans la cellule de Beocca, j’étais comme
redevenu un enfant tandis que je peinais devant les lettres noires qui
grouillaient sur ces parchemins fendillés. J’appris à lire dans la vie des
saints et, à la fin, Beocca ne put résister à l’envie de me faire lire quelques
pages de la vie de Swithun.
    — Ne pourrions-nous point trouver quelque chose de plus
intéressant ? demandai-je.
    — De plus intéressant ? répéta Beocca d’un ton de
reproche en fixant sur moi un œil louche.
    — Quelque chose qui parle de guerre, proposai-je. Des
Danes. De boucliers, lances et épées.
    — Je n’ose imaginer de tels écrits, grimaça-t-il. Mais
cela, dit-il en frappant de l’index les parchemins, devrait t’inspirer.
    — M’inspirer ! de savoir que Swithun a réparé des
œufs brisés ?
    — C’était un geste saint, me gronda Beocca. La femme
était vieille et pauvre, elle n’avait que ses œufs à vendre et les brisa en
chemin. Elle risquait la famine ! Le saint a reconstitué ses œufs et, Dieu
soit loué, elle les a vendus.
    — Mais pourquoi ne lui a-t-il point simplement donné de
l’argent, ou un bon repas ?
    — C’est un miracle, insista Beocca. Une démonstration de
la puissance de Dieu !
    — J’aimerais bien voir un miracle, soupirai-je, me
rappelant la mort du roi Edmond.
    — Il vaut mieux trouver Dieu dans la foi que dans les
miracles, répliqua sévèrement Beocca.
    — Alors pourquoi les miracles existent ?
    — Oh, continue de lire, Uhtred. Pour l’amour du Ciel,
lis.
    J’obéis. Mais la vie à Cippanhamm ne se bornait point à
lire. Alfred chassait deux fois par semaine. Il ne courait jamais le sanglier
et préférait abattre les cerfs à l’arc. La proie était rabattue sur lui par ses
hommes, et si un cerf ne se montrait pas promptement, il s’ennuyait et
retournait à ses livres. En vérité, je crois qu’il n’allait chasser que parce
que c’est le rôle d’un roi, et non parce qu’il y prenait plaisir. Moi, bien
sûr, j’adorais cela. Je tuais loups, cerfs, renards et sangliers, et c’est lors
de l’une de ces chasses que je connus Æthelwold.
    C’était l’aîné des neveux d’Alfred, l’enfant qui aurait dû
succéder à son père, le roi Æthelred. Ce n’était plus un enfant, car il avait
seulement un mois de moins que moi, et à bien des égards il me ressemblait,
bien qu’il n’ait jamais tué un homme ni connu de bataille. Il avait de longs
cheveux bruns, le visage étroit de sa famille, et des yeux vifs qui attiraient
l’attention des jeunes servantes. De toutes les filles, d’ailleurs. Il chassait
avec Leofric et moi, buvait avec nous, troussait la gueuse avec nous lorsqu’il
parvenait à échapper aux prêtres, et ne cessait de se plaindre de son oncle,
auprès de moi seulement, car il avait trop peur de Leofric.
    — Il a volé la couronne, me dit-il, parlant d’Alfred.
    — Le witan t’a jugé trop jeune, fis-je remarquer.
    — Je ne le suis plus, non ? s’indigna-t-il. Alfred
devrait donc me céder sa place.
    Pour toute réponse, je me contentai de vider ma chope.
    — Ils ne veulent même pas me laisser combattre, se
plaignit-il amèrement. Alfred dit que je devrais devenir clerc. Quel
crétin ! (Il avala une gorgée d’ale avant de me considérer d’un air
grave.) Parle-lui, Uhtred. Dis-lui que je combattrai avec toi et Leofric.
    Je réfléchis brièvement à la question, puis je secouai la
tête.
    — Je ne te serai d’aucune aide.
    — Et pourquoi cela ?
    — Parce que ton oncle redoute que tu te fasses un nom.
Si tu deviens un guerrier renommé, expliquai-je, des hommes te suivront. Tu es
déjà un prince, et c’est assez dangereux, mais Alfred ne souhaite pas que tu
deviennes un prince guerrier et renommé. Ne crois-tu pas ?
    — Ce pieux imbécile, dit Æthelwold. (Il repoussa ses
longs cheveux noirs d’une main et contempla avec humeur Eanflæd, la rousse qui
occupait

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