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Le dernier royaume

Le dernier royaume

Titel: Le dernier royaume Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Bernard Cornwell
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ce que le
passage soit assez large. Nous sortîmes alors les rames et la Vipère pivota gracieusement, puis elle sortit de la Poole, où était encore ancré le
reste de la flotte dane. Nous n’allâmes pas bien loin, jusqu’à une grande île
située au milieu de la Poole. Elle était habitée d’écureuils, d’oiseaux de mer
et de renards. Ragnar laissa le navire glisser jusqu’à la grève et, lorsque la
proue toucha le sable, il m’étreignit.
    — Tu es libre, dit-il.
    — Merci, dis-je avec ferveur, me rappelant les corps
ensanglantés du couvent de Werham.
    Il posa ses mains sur mes épaules.
    — Toi et moi, nous sommes unis comme frères. Ne
l’oublie pas. Maintenant, va.
    Brida me cria adieu, j’entendis les rames fendre l’eau, puis
la Vipère s’éloigna.
    Cette île était un lieu intimidant. Des pêcheurs et
chasseurs de gibier à plume y vivaient autrefois, et un anachorète avait élu
domicile dans le tronc d’un arbre creux, au milieu de l’île. Mais l’arrivée des
Danes les avait tous chassés et les cabanes des pêcheurs n’étaient plus que
décombres calcinés sur un sol noirci. J’étais seul sur cette île, et c’est
depuis ce rivage que je vis la flotte dane ramer vers l’embouchure de la Poole
et s’y arrêter, car le vent, déjà vif, s’était renforcé.
    Toute la journée, le vent du sud souffla, de plus en plus
fort, chargé d’une pluie cinglante, et je me lassai d’observer les navires
danes osciller sur leurs ancres. J’explorai donc le rivage et trouvai les
restes d’une petite barque à demi dissimulée par un buisson. Je la tirai à
l’eau et m’aperçus qu’elle flottait assez bien. Comme le vent m’entraînerait
loin des Danes, j’attendis que la marée change et, dissimulé dans l’esquif
délabré, je me laissai flotter. Je m’improvisai une pagaie d’un morceau de
bois, mais le vent qui soufflait à présent violemment me glaça en m’entraînant
au nord, de l’autre côté de la Poole. Ayant atteint la grève, je redevins un sceadugengan et me faufilai parmi roseaux et marais. Je finis par arriver à
pied sec et trouvai des buissons qui abritèrent mon sommeil agité. Au matin, je
marchai vers l’est, toujours giflé par le vent et la pluie, et j’arrivai à
Hamtun le soir même.
    Où je découvris que Mildrith et mon fils avaient disparu.
    Enlevés par Odda le Jeune.
    Le père Willibald me narra ce qui était arrivé. Odda était
venu le matin, pendant que Leofric était descendu au rivage vérifier les
amarres des bateaux. Odda avait déclaré que les Danes avaient rompu la trêve et
tué tous les otages, qu’ils pouvaient arriver ici d’un instant à l’autre et que
Mildrith devait fuir.
    — Elle ne voulait point partir, mon seigneur, dit
Willibald, intimidé par ma colère. Ils avaient des chevaux, ajouta-t-il, comme
si cela expliquait tout.
    — Vous n’avez pas envoyé mander Leofric ?
    — Ils ne m’ont point laissé, mon seigneur. (Un
silence.) Nous étions effrayés. Les Danes avaient rompu la trêve et nous vous
croyions mort.
    Leofric s’était lancé sur leurs traces, mais Odda avait
presque une matinée d’avance. Il avait dû renoncer et s’était résolu à regagner
Hamtum où il m’accueillit avec soulagement.
    — Ils sont retournés dans le Defnascir, dis-je.
    — Et les Danes ? demanda Leofric. Où
vont-ils ?
    — En Mercie ? suggérai-je.
    Il haussa les épaules.
    — En traversant le Wessex ? Où Alfred les
guette ? Et tu dis qu’ils sont partis à cheval ? Dans quel état
étaient les bêtes ?
    — Piètre : elles étaient à moitié affamées.
    — Peut-être sont-ils partis retrouver Ubba, avança
Willibald.
    — Ubba !
    Cela faisait si longtemps que je n’avais entendu ce nom.
    — On raconte, dit Willibald, mal à l’aise, qu’il était
chez les Bretons des Galles. Qu’il avait une flotte sur la Sæfern.
    C’était logique. Ubba remplaçait son frère défunt, Halfdan,
et menait d’évidence une autre armée de Danes sur le Wessex, mais pour le
moment je ne m’en souciais guère. Je voulais seulement retrouver mon épouse et
mon fils.
    — Le Defnascir, répétai-je. C’est là que ce coquin est
parti. Et c’est là que nous irons demain.
    J’étais certain qu’Odda avait choisi un abri sûr : son
domaine. Non parce qu’il craignait ma vengeance – il me croyait mort –, mais
parce qu’il redoutait les Danes. Moi, je craignais que ceux-ci ne l’aient
repéré

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