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Le dernier royaume

Le dernier royaume

Titel: Le dernier royaume Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Bernard Cornwell
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voile, semblait nous stabiliser. Il
maintenait l’ Heahengel contre vents et marées, laissant les grosses
vagues rouler sous la coque, et nous pûmes enfin reprendre notre souffle. Nous
nous regardâmes, interdits, stupéfaits d’être encore en vie, et je pus même
lâcher le gouvernail. J’avais mal partout. J’étais trempé jusqu’aux os et
glacé, mais je n’y prêtai pas attention.
    Leofric vint me rejoindre. La proue del’ Heahengel faisait face à l’est, mais nous voguions vers l’ouest, entraînés par le vent et
les courants. Je me retournai et désignai le rivage à Leofric.
    Les Danes faisaient naufrage. L’un après l’autre, les
navires étaient repoussés vers la côte. Quelques-uns parvinrent à doubler le
cap et d’autres à ramer pour éviter les falaises, mais la plupart étaient
condamnés. Nous ne les vîmes pas périr, mais je n’eus aucune peine à imaginer
le fracas des coques contre les rochers, l’eau bouillonnante défonçant les
planches, le vent, les vagues et les débris s’abattant sur les hommes pour les
engloutir, les proues sculptées de dragons fendues en deux et le château du
dieu de la mer se remplissant des âmes des guerriers. Ils avaient beau être des
ennemis, je crois qu’aucun d’entre nous n’éprouva d’autre sentiment que de la
pitié. La mer n’offre qu’une mort glacée et solitaire.
    Ragnar et Brida. Je fixais la flotte, incapable de
distinguer un navire de l’autre dans la pluie et les vagues. Ils furent peu
nombreux à s’en sortir, leurs équipages ramant désespérément, mais tous étaient
surchargés, transportant les soldats dont les chevaux étaient morts,
transportant toute une armée vers une destination inconnue. Et cette armée
était en train de périr.
    Nous étions à présent au sud du cap, et un navire dane, plus
petit que le nôtre, se rapprocha de nous. Le barreur nous adressa un sourire
lugubre, comme pour signifier que nous n’avions plus qu’un seul ennemi commun,
la mer. Le Dane dériva devant nous, car il n’était pas ralenti comme nous par
un mât brisé. Une pluie cruelle nous accablait en sifflant, décuplée par le
vent, et la mer était jonchée de planches, vergues brisées, proues
déchiquetées, longues rames, boucliers et cadavres. Je vis un chien se
débattre, les yeux révulsés, et l’espace d’un instant, je crus que c’était
Nihtgenga, puis je vis qu’il avait des oreilles noires, alors que celui de
Brida les avait blanches.
    L’ Heahengel se dressait sur chaque vague, piquait du
nez dans les creux et tremblait comme s’il était vivant à chaque choc, mais il
tint bon. C’était un navire solide qui nous protégea, tandis que le père
Willibald priait et que nous assistions au naufrage de la flotte dane.
Curieusement, il n’avait plus le mal de mer. Certes, il était pâle et se
sentait fort mal, mais alors que la tempête s’acharnait sur nous, il avait
cessé de vomir et vint même me retrouver en se cramponnant à la barre.
    — Qui est le dieu dane de la mer ? me demanda-t-il
dans les hurlements du vent.
    — Njord ! criai-je.
    — Prie-le, sourit-il, et je prierai Dieu.
    — Si Alfred vous entendait, jamais vous ne seriez
évêque !
    — Je ne le deviendrai que si nous nous en sortons.
Alors, prie !
    Je priai et lentement, comme à contrecœur, la tempête
s’apaisa. Des nuages bas filaient au-dessus de la mer démontée, mais le vent
baissa et nous pûmes couper les cordages qui retenaient le mât, sortir de
nouveau les rames et mettre cap à l’ouest dans les débris d’une flotte de
guerre anéantie. Nous rattrapâmes les plus petits navires danes et je m’en
rapprochai pour les héler l’un après l’autre par-dessus les vagues.
    — Vous avez vu la Vipère de Vent ?
    —  Non, criaient-ils.
    Non. Toujours la même réponse. Nous continuâmes notre route
à la rame, mât abattu, laissant les Danes derrière nous et, alors que la nuit
tombait et qu’un rai de soleil couchant filtrait comme un filet de sang entre
les nuages, je dirigeail’ Heahengel vers l’embouchure de l’Uisc.
Une fois le cap passé, la mer se calma et nous ramâmes, soudain sauvés, le long
du banc de sable, puis dans la rivière. Je pus alors contempler les collines
assombries où se trouvait Oxton, et je n’y vis nulle lumière.
    Nous échouâmesl’ Heahengel, et je descendis à
terre en chancelant, tandis que certains tombaient à genoux et baisaient la
terre et que d’autres faisaient

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