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Le dernier royaume

Le dernier royaume

Titel: Le dernier royaume Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Bernard Cornwell
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suggéra-t-il.
    Je considérais la fille de Ragnar comme une camarade de
jeux, et non comme une épouse. En vérité, l’idée même me fit rire.
    Ravn sourit de mon amusement.
    — D’après toi, Uhtred, pourquoi t’avons-nous laissé la
vie sauve ?
    — Je ne sais pas.
    — Quand Ragnar a décidé de te garder, je pensais alors
que c’était une sottise, mais il avait raison.
    — J’en suis heureux, m’exclamai-je.
    — Parce que nous avons besoin des Angles, continua
Ravn. Nous sommes peu, les Angles sont nombreux, et malgré cela nous allons
prendre leur terre, mais nous ne pouvons la tenir qu’avec leur aide. Un homme
ne peut vivre dans une demeure toujours assiégée. Il a besoin de paix pour
faire croître ses récoltes et élever le bétail. Nous avons besoin de toi. Quand
le jarl Uhtred sera de notre côté, on ne nous combattra pas. Et tu dois épouser
une Dane pour que tes enfants soient à la fois angles et danes. (Il marqua une
pause, songeant à cet avenir lointain, et gloussa.) Assure-toi simplement
qu’ils ne soient point chrétiens, Uhtred.
    — Ils adoreront Odin, l’assurai-je, sincère.
    — Le christianisme est une religion de mollesse,
s’emporta Ravn, une croyance de femme. Elle n’ennoblit pas l’homme, elle en
fait des vermisseaux. Tiens, j’entends des oiseaux.
    — Deux corbeaux, qui volent vers le nord.
    — Un message ! se réjouit-il. Huginn et Muminn
vont retrouver Odin.
    Huginn et Muminn étaient les corbeaux jumeaux perchés sur
l’épaule du dieu. Ils faisaient pour Odin ce que je faisais pour Ravn :
ils observaient et lui rapportaient ce qu’ils voyaient. Il les envoyait de par
le monde, et ils lui contaient que la fumée du campement des Merciens était de
moins en moins épaisse. On allumait moins de feux la nuit. Des hommes quittaient
l’armée.
    — La saison des récoltes, dit Ravn avec mépris.
    — Est-ce important ?
    — Ils appellent leur armée la fyrd, expliqua-t-il,
oubliant un instant que j’étais angle, et chaque homme valide est censé servir
dansla fyrd  ; mais lorsque la récolte est mûre, ils
craignent la famine d’hiver et rentrent chez eux couper seigle et orge.
    — Récolte que nous allons ensuite leur prendre ?
    — Tu apprends vite, Uhtred !
     
    Pourtant, Merciens et Saxons espéraient encore nous affamer
et, alors qu’ils perdaient chaque jour d’autres hommes, ils ne renonçaient
point, jusqu’au jour où Ivar chargea un chariot de vivres. Il y entassa
fromages, poissons fumés, pains frais, porcs salés et un tonneau d’ale et, à
l’aube, une dizaine d’hommes le tirèrent vers le camp des Angles. Ils s’arrêtèrent
juste hors de portée de flèche et crièrent aux sentinelles ennemies qu’Ivar le
Sans-Os offrait ces vivres au roi Burghred.
    Le lendemain, un cavalier mercien approcha des remparts en
portant une branche feuillue en signe de trêve. L’Angle voulait parler.
    — Cela signifie, dit Ravn, que nous avons gagné.
    — Vraiment ?
    — Lorsque l’ennemi veut parler, dit-il, c’est qu’il ne
veut pas se battre. Aussi avons-nous gagné.
    Et il disait vrai.

Chapitre 3
    Le lendemain, nous dressâmes un pavillon dans la vallée, en
tendant deux voiles entre des poteaux de bois, soutenues par des cordes de peau
de phoque liées à des chevilles. Les Angles y placèrent pour les rois Burghred
et Æthelred et le prince Alfred trois sièges à haut dossier qu’ils recouvrirent
d’une riche étoffe pourpre. Iva et Ubba s’assirent sur des tabourets de ferme.
    Les deux parties avaient amené entre trente et quarante
hommes comme témoins des débats, qui commencèrent une fois toutes les armes
déposées à vingt pas des deux délégations. J’aidai à transporter épées, haches,
boucliers et lances, puis revins écouter.
    Beocca m’aperçut et sourit. J’en fis autant. Il se tenait
juste derrière le jeune homme, qui devait être Alfred : je l’avais entendu
parler, mais je n’avais pu le voir clairement. C’était le seul des trois chefs
angles à ne pas être couronné d’un cercle d’or, mais sa cape était maintenue
par une grosse broche ornée de joyaux qu’Ivar lorgnait d’un œil de rapace.
Alors que le prince s’asseyait, je vis qu’il était mince, de haute taille, et
paraissait nerveux. Il avait un nez et un visage allongés, une barbe courte,
des joues creuses, les lèvres pincées et des cheveux d’un brun sans éclat. Le
regard inquiet et le front plissé, il se

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