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Le dernier royaume

Le dernier royaume

Titel: Le dernier royaume Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Bernard Cornwell
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aboyèrent et des chevaux hennirent à mon
approche.
    La sentinelle m’avait désigné les lignes des Saxons. Je le
sus à la bannière au dragon flottant devant une vaste tente illuminée par un
grand feu. Je ne vis pas d’échelle. Un enfant pleurait dans un abri, une femme
gémissait, et des hommes chantaient devant un feu. L’un d’eux me vit puis, se
rendant compte de mon jeune âge, me congédia d’un geste. Comme je me
rapprochais du feu et de la bannière au dragon, je le contournai pour gagner la
grande tente éclairée par des lanternes. Deux hommes montaient la garde et des
murmures s’élevaient depuis l’intérieur. Personne ne me remarqua tandis que je
passais furtivement, toujours à la recherche d’échelles. Ragnar m’avait dit
qu’elles seraient rangées ensemble, soit au cœur du campement, soit près des
abords, mais il n’y en avait aucune. Cependant, j’entendis des sanglots.
    Je me cachai derrière un gros tas de bois qui, à en juger
par la puanteur, jouxtait une latrine. Je m’accroupis et aperçus un homme
agenouillé entre le tas de bois et la tente. C’était lui qui sanglotait. Il
priait en même temps et se frappait la poitrine. Je fus étonné, voire effrayé,
par ce spectacle. Je me mis à plat ventre et rampai dans l’ombre pour
m’approcher.
    — Épargne-moi, mon Dieu, l’entendis-je dire.
Épargne-moi, car j’ai péché.
    Puis il vomit, alors qu’il ne semblait point ivre, et se
remit à geindre. Ce devait être un jeune homme. À cet instant, l’ouverture de
la tente se souleva et de la lumière se répandit sur l’herbe. Je me figeai,
immobile comme une bûche, vis que c’était bien un jeune homme qui était si
malheureux, et m’aperçus, à mon grand étonnement, que celui qui venait de
sortir était le père Beocca.
    — Mon seigneur, dit-il en lâchant la toile et en
laissant retomber l’obscurité sur le jeune homme.
    — Je suis un pécheur, mon père, dit celui-ci. (Il ne
pleurait plus, peut-être parce qu’il ne voulait pas montrer au prêtre une telle
faiblesse, mais sa voix était empreinte de tristesse.) Je suis un grand
pécheur.
    — Nous le sommes tous, mon seigneur.
    — Un grand pécheur, répéta le jeune homme, sans prêter
attention aux paroles réconfortantes de Beocca. Et je suis marié !
    — Le salut est dans le remords, mon seigneur.
    — En ce cas, Dieu le sait, je mérite rédemption, car
mon remords remplit le ciel, répondit-il en levant la tête vers les étoiles. La
chair, mon père, la chair, gémit-il.
    Beocca fit quelques pas dans ma direction, s’arrêta et se
retourna. Il était si proche que j’aurais pu le toucher.
    — Dieu envoie la tentation pour nous éprouver, mon
seigneur.
    — Il envoie les femmes pour nous éprouver, répondit le
jeune homme d’une voix rauque. Nous succombons, et il envoie les Danes pour
punir notre faiblesse.
    — Ses voies sont impitoyables, dit Beocca, et personne
n’en a jamais douté.
    Toujours agenouillé, le jeune homme baissa la tête.
    — Je n’aurais jamais dû me marier, mon père. J’aurais
dû rejoindre l’église, me retirer dans un monastère.
    — Et Dieu aurait trouvé un grand serviteur en vous, mon
seigneur, mais il avait d’autres projets pour vous. Si votre frère trépasse…
    — À Dieu ne plaise ! Quelle sorte de roi
serais-je ?
    — Le roi de Dieu, mon seigneur.
    Ainsi donc, pensai-je, ce devait être là Alfred. C’était
la première fois que je le voyais ou que j’entendais sa voix. Allongé dans
l’herbe, j’écoutais Beocca le consoler d’avoir cédé à la tentation. Il semblait
qu’Alfred avait troussé une servante et, immédiatement après, avait été pris de
douleurs et de ce qu’il appelait un tourment spirituel.
    — Mon seigneur, dit Beocca, prenez donc la fille à
votre service.
    — Non ! protesta Alfred.
    Le son d’une harpe s’éleva de la tente et les deux hommes
dressèrent l’oreille. Puis Beocca s’accroupit auprès du prince effondré et lui
posa une main sur l’épaule.
    — Prenez-la à votre service, répéta-t-il, et
résistez-lui. Offrez cet hommage à Dieu, prouvez-lui votre force et il vous
récompensera. Remerciez Dieu de vous tenter, mon seigneur, et glorifiez-Le en
résistant à la tentation.
    — Dieu nous exterminera, lâcha Alfred. Je jure de ne
point recommencer. Pas après Osferth. (Ce nom ne me disait rien. Plus tard,
beaucoup plus tard, je découvris que c’était le bâtard

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