Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le dernier royaume

Le dernier royaume

Titel: Le dernier royaume Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Bernard Cornwell
Vom Netzwerk:
les Estangles de grenouilles.
Nous étions aux abords de leurs terres, là où la Mercie prend fin et où
commence l’Estanglie dans un dédale d’eau, de boue et de bancs de sel.
    — Nous naviguons sur le Gewaesc, dit Ragnar.
    — Tu es déjà venu ?
    — Il y a trois ans. C’est une terre bonne à piller,
Uhtred, mais l’eau est traîtresse. Trop peu profonde.
    Le Gewaesc l’était en effet et Weland, à la proue de la Vipère, sondait l’eau d’un poids accroché à une corde. Nous ne plongions les rames
que lorsqu’il annonçait suffisamment de fond et c’est ainsi que nous avançâmes
dans le crépuscule, suivis du reste de la flotte. Les ombres étaient longues,
et sur le soleil rouge se découpaient les gueules ouvertes des dragons, des
serpents et des aigles des proues.
    La nuit venue, nous jetâmes l’ancre et dormîmes à bord. À
l’aube, Ragnar nous fit grimper au mât, Rorik et moi. Le vaisseau d’Ubba était
non loin et lui aussi avait mandé des guetteurs à la girouette peinte.
    — Que voyez-vous ? nous cria Ragnar.
    — Trois hommes à cheval nous observent, répondit Rorik
en désignant le sud.
    — Et un village, ajoutai-je.
    Pour les hommes du rivage, nous étions l’incarnation de
leurs pires terreurs, une forêt de mâts et des monstres sculptés aux proues et
aux poupes surélevées de nos navires. À la vue de cette armée embarquée sur des
bateaux dragons, ils savaient ce qui allait arriver. Les trois cavaliers
tournèrent bride et galopèrent vers le sud.
    Nous poursuivîmes notre route. Le vaisseau d’Ubba, ayant
pris la tête, suivait un canal tortueux et peu profond. Le sorcier d’Ubba,
Storri, se tenait debout à la proue. Je devinai qu’il avait consulté les runes
et prédit la victoire.
    — Aujourd’hui, me dit Ragnar, tu vas apprendre à être
un Viking.
    Être un Viking, cela signifiait être un guerrier, et Ragnar
n’avait pas mené d’expédition sur son bateau depuis des années. Il était devenu
un envahisseur, un occupant, tandis que la flotte d’Ubba ravageait la côte et
attirait l’armée angle vers la mer, et qu’à terre son frère Ivar menait l’armée
vers le sud depuis la Mercie. En ce début d’été, j’appris à être un Viking.
Nous menâmes les navires jusqu’à une mince bande de terre et, une fois les
bateaux tirés sur la grève, nous édifiâmes des fortifications en travers de la
pointe. Après quoi, de vastes troupes battirent la campagne pour ne revenir que
le lendemain matin avec des chevaux volés. Ceux-ci furent montés par d’autres
hommes qui s’enfoncèrent à leur tour dans les terres, tandis que Ragnar menait
ses hommes à pied le long de la côte.
    Nous parvînmes à un hameau désert dont je n’ai jamais su le
nom, et nous le réduisîmes en cendres. Nous incendiâmes des fermes et une
église puis nous continuâmes notre route, et le soir nous arrivâmes aux abords
d’un vaste village. Nous nous cachâmes dans un bois, et nous attaquâmes à
l’aube.
    Nous sortîmes en hurlant de l’obscurité : des hommes en
cottes de cuir avec casques de fer, boucliers ronds et peints, armés de haches,
d’épées et de javelots. Les habitants n’avaient ni armes ni armures, et
peut-être ignoraient-ils même la présence des Danes dans les environs, car ils
ne nous attendaient pas. Ils périrent. Quelques braves tentèrent de résister
devant leur église, mais Ragnar les chargea et ils furent massacrés sur place.
Quand Ragnar ouvrit les portes de l’église, il y trouva femmes et enfants.
Depuis l’autel, le prêtre lança des malédictions en latin tandis que le Dane
remontait la travée ; il l’invectivait encore quand Ragnar l’éventra.
    Nous nous emparâmes d’un crucifix de bronze, d’un plat
d’argent cabossé et de quelques pièces. Nous trouvâmes dans les maisons
vaisselle, ciseaux, serpes et grils. Nous capturâmes bétail, chèvres, moutons
et bœufs, ainsi que huit chevaux et seize jeunes femmes. L’une d’elles cria
qu’elle ne pouvait abandonner son enfant et je vis Weland embrocher le petit
sur sa lance et jeter son cadavre ensanglanté dans les bras de sa mère. Ragnar
la renvoya, non par pitié, mais afin qu’elle répande la nouvelle du massacre.
Les gens devaient craindre les Danes, disait Ragnar, ainsi ils seraient prêts à
se rendre.
    — Brûle le chaume, Uhtred, m’ordonna-t-il en me donnant
un tison.
    Et j’allai de maison en maison, mettant le feu aux toits de
roseaux.

Weitere Kostenlose Bücher