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Le dernier royaume

Le dernier royaume

Titel: Le dernier royaume Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Bernard Cornwell
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première ?
    — Celle que j’avais lorsque nous avons attaqué
Eoferwic.
    — Celle-là ! Elle n’était pas de moi. Ton père
l’avait achetée à Berewic, je lui ai dit qu’elle était mauvaise, mais ce
n’était qu’une petite épée. Tout juste bonne pour tuer des canards, mais pas
pour la guerre. Qu’en est-il advenu ?
    — Elle s’est tordue, dis-je en me rappelant le rire de
Ragnar devant mon arme pitoyable.
    — Du fer mou, mon garçon. Il y a deux sortes de fer,
m’expliqua-t-il. Le mou et le dur. Le dur fait les meilleurs tranchants, mais
il est fragile. Une épée faite de ce fer se brise au premier coup violent,
tandis qu’une épée de métal mou se plie comme l’a fait la tienne. Un bon
forgeron mélange donc les deux.
    Il fabriqua sept tiges. Trois étaient de fer dur ; les
quatre autres, beaucoup plus longues, n’étaient pas autant exposées au charbon.
Il les tordait en sortes de vrilles, afin de leur donner la même longueur qu’aux
tiges de fer dur.
    — Pourquoi fais-tu cela ? demandai-je.
    — Tu verras, répondit-il d’un air mystérieux. Tu
verras.
    Ealdwulf commença par marteler une tige pour l’aplatir, en
une très fine et très fragile lame, puis il plaça les quatre tiges tordues de
part et d’autre, deux par deux, afin qu’elles l’enveloppent. Enfin, il souda
les deux dernières tiges d’acier à l’extérieur, afin de façonner les
tranchants. L’épée était grotesque, mais là commençait le véritable ouvrage, le
chauffage et le martelage. Le métal était porté au rouge et la crasse noire
s’écaillait en brûlant, tandis que le marteau s’abattait et que des étincelles
volaient dans l’obscurité de la forge, que le métal sifflait une fois plongé
dans l’eau froide et qu’avec patience la lame naissante était refroidie dans un
seau de copeaux de frêne. Cela prit des jours entiers, mais à mesure des
martelages, chauffages et refroidissements, je vis que les quatre tiges
tordues, à présent mêlées à l’acier dur, s’étaient adoucies et formaient de
merveilleux motifs répétitifs et incurvés dessinant des boucles plates et
fuligineuses dans la lame. À la lumière, on ne les distinguait point, mais au
crépuscule ou, en hiver, si on soufflait son haleine sur la lame, elles
apparaissaient. Brida appelait ces formes le souffle du serpent et c’est ainsi
que je nommais mon épée : Souffle-de-Serpent. Ealdwulf la termina en
creusant au marteau des sillons courant de part et d’autre de son centre,
expliquant qu’ils empêchaient l’épée de rester prise dans la chair de l’ennemi.
    — Des canaux pour le sang, grommela-t-il.
    La bosse de la poignée était de fer, tout comme le lourd
quillon. L’un et l’autre étaient simples, sans ornement, et de bonne taille.
Quand l’épée fut terminée, je façonnai deux morceaux de frêne pour la poignée.
Je voulais que l’épée soit décorée d’argent ou de bronze doré, mais Ealdwulf
refusa.
    — C’est un outil, mon seigneur, dit-il. Rien de plus.
Quelque chose qui facilitera ta tâche et ne vaut guère mieux que mon marteau.
(Il leva la lame dans le soleil.) Et un jour, tu tueras des Danes avec elle.
    Souffle-de-Serpent était lourde, trop lourde pour un garçon
de treize ans, mais je grandirais vite. Selon Ealdwulf, jamais elle ne se
plierait ni ne se fendrait. Il a dit vrai, car je l’ai toujours. La poignée de frêne
a été remplacée, les tailles ont été ébréchées par les coups de l’ennemi, et
elle est plus fine désormais, car elle a été souvent affûtée, mais elle est
toujours aussi belle. Parfois, je souffle sur ses flancs et je vois surgir les
motifs sur la lame, ces boucles et ces courbes bleues et argentées qui
apparaissent dans le métal comme par magie. Et je me rappelle ce printemps et
cet été dans les bois de Northumbrie, et je repense à Brida contemplant son
reflet dans la lame neuve.
    Car il y a de la magie dans Souffle-de-Serpent. Ealdwulf
connaissait des charmes qu’il ne voulut point me dire, les charmes du forgeron,
et Brida emmena la lame toute une nuit dans les bois sans me raconter ce
qu’elle en avait fait, mais tels étaient les charmes d’une femme. Et lorsque
nous accomplîmes le sacrifice dans la fosse, et que nous tuâmes un homme, un
cheval, un bélier, un taureau et un canard, je demandai à Ragnar d’utiliser
Souffle-de-Serpent sur l’homme condamné afin qu’Odin connaisse son existence et
la considère avec

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