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Le dernier royaume

Le dernier royaume

Titel: Le dernier royaume Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Bernard Cornwell
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charmes des femmes, disant que si l’on restait silencieux et immobile la
nuit, en respirant à peine, les esprits venaient. Et Ravn lui enseignait à
rêver avec les dieux, après avoir bu de l’ale où macéraient des champignons
rouges. Elle était souvent malade, car elle en buvait trop, mais elle composa
ses premiers chants, sur les oiseaux et les bêtes, et Ravn déclara qu’elle
était une vraie scalde. Certaines nuits, tandis que nous surveillions les tas
de charbon, elle me les récitait d’une voix douce et rythmée. Elle avait
maintenant un chien qui la suivait partout. Elle l’avait trouvé à Lundene lors
du voyage de retour. Il était noir et blanc, aussi malin qu’elle, et elle
l’avait baptisé Nihtgenga, ce qui signifie rôdeur de la nuit, ou gobelin. Il
s’asseyait avec nous devant le tas de charbon qui brûlait et je jure qu’il
l’écoutait chanter. Brida fabriquait des flûtes en roseaux et jouait des airs
mélancoliques, et Nihtgenga la contemplait de ses grands yeux tristes, puis la
musique l’envahissait et il dressait son museau en hurlant. Cela nous faisait
rire, mais Nihtgenga était vexé, et Brida devait le caresser pour le consoler.
    Nous oubliâmes la guerre jusqu’au cœur de l’été, quand une
vague de chaleur accabla les collines et que Guthrum le Malchanceux arriva dans
notre vallée. Il était accompagné de vingt cavaliers, tout de noir vêtus, et
s’inclina devant Sigrid, qui le gronda de ne point avoir prévenu.
    — J’aurais préparé un festin, dit-elle.
    — J’ai apporté des provisions, dit Guthrum en désignant
des chevaux de bât. Je ne voulais point épuiser les vôtres.
    Il avait fait tout le chemin de Lundene pour converser avec
Ragnar et Ravn, et Ragnar me convia à siéger avec eux, car, disait-il, j’en
savais plus que quiconque sur le Wessex, et c’était de cela que voulait parler
Guthrum. Mais je ne fus guère utile. Je décrivis Alfred et sa piété, et avertis
Guthrum que le roi saxon avait beau sembler bien terne, il était indéniablement
très intelligent. Guthrum haussa les épaules.
    — On fait grand cas de l’intelligence, dit-il d’un ton
lugubre, mais elle ne gagne point les batailles.
    — La sottise les fait perdre, intervint Ravn, comme lorsque
nous avons divisé l’armée pour la bataille d’Æbbanduna.
    Guthrum se renfrogna mais préféra ne pas se quereller avec
Ravn. Il demanda à Ragnar la meilleure manière de vaincre les Saxons et sa
promesse de se joindre à la prochaine attaque.
    — Si c’est bien l’année prochaine, dit-il en se
grattant la nuque et en agitant l’os à pointe dorée de sa mère toujours
accroché dans sa chevelure. Nous n’aurons peut-être pas assez d’hommes.
    — Dans ce cas, nous attaquerons l’année suivante, se
résigna Ragnar.
    — Ou dans deux ans, dit Guthrum. Mais comment
achèverons-nous ce crétin dévot ?
    — En divisant ses forces, dit Ragnar, sinon nous serons
toujours dépassés en nombre.
    — Toujours dépassés en nombre ? répéta Guthrum,
dubitatif.
    — Quand nous nous sommes battus ici, dit Ragnar,
quelques Northumbriens ont préféré ne pas lutter et se sont réfugiés en Mercie.
Quand nous avons combattu Mercie et Estanglie, les hommes se sont enfuis en
Wessex. Mais lorsque nous attaquerons le Wessex, ils n’auront nulle part où
aller. Ils devront donc se battre, tous. En Wessex, l’ennemi sera acculé.
    — Et un ennemi acculé est dangereux, fit observer Ravn.
    — Les diviser, répéta pensivement Guthrum.
    — Des navires sur la côte sud, proposa Ragnar, une
armée sur la Temse, et des guerriers bretons venant de Brycheinog, Glywysing et
Gwent. Trois attaques qu’Alfred devra affronter en même temps. Il n’en sera
point capable.
    — Et tu seras là ? demanda Guthrum.
    — Tu as ma parole, dit Ragnar.
    Ils parlèrent ensuite de ce que Guthrum avait observé durant
son voyage. Il y avait des troubles en Mercie, disait-il, les Angles se
révoltaient, et l’on disait que le roi Egbert encourageait les soulèvements à
Eoferwic.
    — Egbert ! s’étonna Ragnar. Il ne saurait
encourager un ivrogne à pisser !
    — C’est cependant ce que l’on m’a dit, répondit
Guthrum. Ce n’est peut-être point vrai. Je le tiens d’un certain Kjartan.
    — Alors c’est presque certainement faux.
    — Il m’a paru un homme de bien, dit Guthrum.
    Il ignorait manifestement la querelle entretenue entre les
deux hommes, et Ragnar ne lui en dit

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