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Le dernier royaume

Le dernier royaume

Titel: Le dernier royaume Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Bernard Cornwell
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Yule durant laquelle Thyra se marierait allait
être la plus grandiose de mémoire de Dane. Nous gardâmes en vie plus d’animaux
que de coutume et les abattîmes juste avant la fête, puis nous creusâmes de
profondes fosses où porcs et vaches seraient cuits sur d’immenses grils
fabriqués par Ealdwulf. Il y rechigna, alléguant que fabriquer des ustensiles
de cuisine le détournait de sa véritable tâche, mais il en était secrètement
ravi car il adorait manger. Outre porcs et vaches, nous avions harengs,
saumons, moutons, perches, pain frais, fromage, ale, hydromel et, suprême
délice, du boudin fait d’intestins de mouton farci de sang, abats, avoine,
raifort, ail sauvage et baies de genièvre. Je raffole toujours de ce boudin
croustillant et juteux tout à la fois. Je me rappelle les grimaces dégoûtées
d’Alfred lorsque j’en mangeais et que le sang coulait sur ma barbe, alors qu’il
se contentait de suçoter un poireau bouilli.
    Nous organisâmes maints jeux et joutes. Le lac au fond de la
vallée avait gelé : les Danes se fixaient des os aux pieds et glissaient
sur la glace, un passe-temps qui dura jusqu’à ce qu’elle se brise et qu’un
jeune homme se noie. Mais Ragnar jugea qu’il serait de nouveau gelé après Yule
et j’étais bien déterminé à apprendre cet art. Pour l’heure, cependant, Brida
et moi fabriquions toujours du charbon pour Ealdwulf, qui avait décidé d’offrir
une épée à Ragnar.
    Nous avions prévu d’ouvrir le foyer la veille du festin,
mais il n’était pas encore assez refroidi. La plupart des hommes de Ragnar et
leurs familles étaient déjà au château, où ils se préparaient pour le premier
festin de la journée et les jeux qui se dérouleraient dans la plaine avant le
mariage. Cependant, Brida et moi passâmes cette dernière nuit devant le foyer,
de crainte que quelque animal ne fouisse la terre et ouvre un évent qui
ranimerait les flammes. J’avais avec moi Souffle-de-Serpent et Dard-de-Guêpe,
et Brida était accompagné de Nihtgenga, qui ne la quittait jamais. Nous étions
tous les deux enveloppés de fourrures, car la nuit était froide. Quand un tas
de bois brûle, on peut s’allonger sur la terre et profiter de sa chaleur, mais
cette nuit-là le feu était presque éteint.
    — Si tu restes bien immobile, me murmura Brida à la
nuit tombée, tu peux sentir les esprits.
    Je crois que je m’endormis, mais vers l’aube je me réveillai
et m’aperçus qu’elle aussi dormait. Je me redressai délicatement pour ne point
l’éveiller et, immobile, je tendis l’oreille, guettant les sceadugengan. Gobelins,
elfes, esprits, spectres et nains, toutes ces créatures viennent la nuit à
Midgard et rôdent parmi les arbres. Aussi je m’éveillai l’oreille aux aguets et
j’écoutai les petits bruits nocturnes de la forêt, les griffes dans les
feuilles et les soupirs du vent.
    Et c’est alors que j’entendis les voix.
    Je réveillai Brida.
    Des hommes approchaient dans la nuit. Nous remontâmes vers
le haut de la colline, car les voix provenaient d’en bas, et nous nous tapîmes.
Nous entendîmes des hommes approcher du foyer puis le craquement d’une braise,
et une flamme jaillit. Ils cherchaient ceux qui surveillaient le charbon, mais,
ne nous trouvant pas, ils redescendirent et nous les suivîmes.
    L’aube pointait à peine à l’est, teintant le ciel d’un gris
de loup. Les feuilles étaient couvertes de givre et un léger vent soufflait.
    — Nous devrions aller alerter Ragnar, chuchotai-je.
    — Nous ne pouvons, dit Brida.
    Elle avait raison : des dizaines d’hommes étaient
dissimulés parmi les arbres entre nous et le château, et nous étions bien trop
loin pour prévenir Ragnar. Nous tentâmes donc de contourner les intrus pour
atteindre la forge où dormait Ealdwulf, mais avant que nous ayons eu le temps
les flammes jaillirent.
    Nous ne pûmes qu’y assister, impuissants. Kjartan et Sven
étaient venus avec plus d’une centaine d’hommes et attaquaient Ragnar en
incendiant sa demeure. Tous s’échappaient en courant, accueillis par des lances
et des flèches. Les cadavres s’amoncelaient à la lueur des flammes, qui
s’accrûrent lorsque le toit prit feu et transforma le château en une fournaise
aveuglante qui éclipsa l’aube grise. Nous entendions bêtes et gens hurler à l’intérieur.
À chaque porte, à chaque fenêtre, des soldats tuaient les fugitifs, mais pas
tous. Les plus jeunes femmes étaient emmenées

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