Le dernier templier

appeler la maison de sa tante et parler à Kim et à Eileen. Encore une fois, ce n’était pas un appel facile. Kim lui manquait et elle s’en rendit compte en entendant sa voix au téléphone. Elle se consola en constatant que sa fille s’amusait bien. Mais le pire, c’était d’expliquer à sa mère qu’elle n’allait toujours pas pouvoir venir. Tess fit tout ce qu’elle put pour la rassurer. En désespoir de cause, elle lui avoua que Reilly était avec elle. Erreur fatale : ce détail ne fît qu’inquiéter davantage sa mère. Pourquoi un agent du FBI l’accompagnait-il si elle n’était pas en danger ? Tess avait tenté d’imaginer une explication tournant autour de l’idée qu’on avait fait appel à elle comme spécialiste extérieure. Enfin, elle profita d’une annonce d’embarquement pour couper court à la conversation.
    Tess n’avait pas prêté attention à l’homme au faciès cireux qui l’avait bousculée alors qu’elle se frayait un chemin dans le terminal bondé pour gagner les toilettes. Il avait heurté le sac de voyage qu’elle tirait derrière elle et qu’elle avait lâché. Courtoisement, il l’avait ramassé et il s’était assuré qu’elle allait bien avant de s’éloigner.
    La jeune femme n’avait noté qu’un détail : l’homme empestait le tabac froid. Mais la majorité des Turcs fumaient. En revanche, elle n’avait pas remarqué la minuscule plaque noire, de la taille d’une pièce de monnaie, qu’il avait réussi à coller près d’une roulette de son sac.
    Tess et Reilly traversèrent le terminal de Dalaman pour rejoindre le comptoir des locations de voiture. Ertugrul était parvenu à leur procurer à la hâte un minimum d’équipement, dont un carton de bouteilles d’eau, deux sacs de couchage et deux tentes en Nylon. Peu de temps après, ils s’installèrent dans un 4 x 4 Mitsubishi Pajero quelque peu loqueteux et partirent sur les traces, vieilles de plusieurs siècles, d’une poignée de chevaliers rescapés d’un naufrage.
    Reilly conduisait tandis que Tess assumait le rôle de navigatrice. Elle utilisait un ensemble de cartes et de notes pour essayer de retracer la route qu’al-Idrisi mentionnait dans son journal tout en la confrontant aux éléments glanés dans la lettre d’Aimard.
    Le rivage s’éloigna derrière eux. Les maisons construites les unes contre les autres et les immeubles bas laissèrent place à un paysage plus tranquille. D’immenses portions du littoral lycien avaient été classées en zones protégées avant la construction de l’aéroport de Dalaman, épargnant à la région l’impact du tourisme de masse.
    Reilly et Tess se retrouvèrent vite au milieu d’un décor de vieilles propriétés pastorales, ceintes de murets de pierre ou de clôtures rouillées et ombragées par des pins. Des deux côtés de la route, la terre apparaissait riche et fertile. On voyait de nombreux arbustes et des bouquets d’arbres ici et là. Sur les hauteurs, à leur droite, la végétation devenait plus dense.
    Il leur fallut moins d’une heure pour atteindre Kôycegiz, une petite ville nichée au bord d’un grand lac qui formait jadis un havre naturel. Telle une dentelle de roche entrelacée, les tombes troglodytes cariennes les surplombaient. Taillées dans les collines rocheuses bordant le lac et bien préservées, elles étaient comme un rappel de l’une des nombreuses civilisations qui s’étaient établies dans cette région.
    Environ trois kilomètres après la ville, Tess indiqua à Reilly qu’il devait quitter la voie principale. L’asphalte était plein de nids-de-poule. À partir de là, la route allait être encore plus mauvaise, mais pour le moment les suspensions robustes du 4x4 résistaient.
    Ils dépassèrent des oliveraies et des plantations de citronniers, des champs de maïs et des alignements de tomates près de chemins bordés de boswellias. Les couleurs vives et les parfums aidaient à tenir éveillés leurs sens engourdis par la fatigue et le décalage horaire. Puis ils se remirent à monter, traversant des collines abondamment boisées, parsemées de rares villages endormis.
    Autour d’eux, ils apercevaient les vestiges pittoresques d’un mode de vie vieux de plus d’un millier d’années, une histoire vivante depuis longtemps disparue en Occident. Des spectacles aussi fabuleux qu’inattendus surgissaient sans prévenir au gré de leur progression : une jeune fille filant la laine tout en gardant