Le dernier templier

jus de tomate épicé. Elle en avait aussi pris un pour lui. Tout en le regardant boire, elle ressentit un léger frisson à l’idée d’être assise juste à côté de lui, en route vers un pays lointain et exotique. En route pour l’aventure.
    Elle sourit intérieurement. Il le remarqua.
    — Qu’y a-t-il ?
    — Rien. Je suis juste... Je suis encore étonnée que vous soyez là.
    — Pas autant que mon chef, j’en suis certain.
    Elle resta bouche bée.
    — Vous ne vous êtes quand même pas absenté sans permission ?
    — On peut le dire comme ça. Je viens de l’avoir. Il n’est pas franchement transporté de joie. Mais dès lors que vous ne savez pas exactement où se trouve la ville que l’on cherche et que la seule façon de la découvrir est d’aller là-bas...
    — Vous ne le saviez pas avant d’être monté dans l’avion.
    Il lui décocha un petit sourire.
    — Êtes-vous toujours aussi pointilleuse sur les détails ?
    En l’observant du coin de l’oeil, elle prit conscience qu’elle ne connaissait pas grand-chose de l’homme qui se retranchait derrière son badge d’agent du FBI. L’autre soir, quand il l’avait ramenée à la maison, elle en avait eu quelques aperçus très fugitifs. Ses goûts musicaux, son sens de l’humour. Elle voulait en apprendre davantage. Dix heures allaient lui en fournir l’occasion... si elle parvenait à rester éveillée. Elle commençait à avoir l’impression que ses paupières pesaient une tonne. L’épuisement des derniers jours se rappelait soudain à son souvenir. Elle se recroquevilla contre le hublot.
    — Alors expliquez-moi comment vous pouvez sauter dans un avion sans crier gare, comme ça, en une minute ? Il n’y a pas quelqu’un chez vous à propos de qui je pourrais vous harceler comme vous l’avez fait à propos de Kim ?
    Reilly comprenait exactement ce à quoi elle faisait allusion.
    — Désolé, rit-il. Je ne suis pas marié.
    — Divorcé ?
    — Même pas.
    Le regard de Tess lui fit sentir qu’il devait développer.
    — Un travail comme le mien peut être dur pour un conjoint.
    — C’est sûr. S’il vous permet de sauter dans le premier avion pour rejoindre une fille que vous connaissez à peine... Je n’aimerais pas que mon mari fasse ça tous les jours.
    Il fut heureux de saisir la perche qu’elle lui tendait et de modifier le tour de la conversation.
    — Justement, en parlant de mari, qu’en est-il de vous ? Qu’est-ce qui s’est passé avec Doug ?
    Les traits de la jeune femme se durcirent.
    — Une erreur. J’étais jeune. Trop jeune. Je travaillais avec mon père à cette époque. Ce n’était pas la plus excitante des carrières. L’archéologie est assez limitée. Et quand j’ai rencontré Doug, c’était un de ces types du show-biz exubérants et sûrs d’eux. Je me suis laissé séduire. Mon père était connu et admiré dans son domaine, mais c’était un homme sérieux. Un peu sinistre, vous voyez ce que je veux dire ? Et directif. J’ai ressenti le besoin d’échapper à son autorité. Doug a représenté la voie de sortie. Ce m’as-tu-vu prétentieux et violent, maugréa-t-elle.
    — N’avez-vous pas vous-même un léger penchant pour la prétention ?
    — Non. Si, enfin peut-être. Un peu. Quoi qu’il en soit, quand on a commencé à se fréquenter, ça lui plaisait que j’aie un métier. Il m’encourageait beaucoup et semblait intéressé par ce que je faisais. Puis, quand nous nous sommes mariés, il a changé du jour au lendemain. Il est devenu encore plus autoritaire que mon père. C’était comme si je lui appartenais, comme si j’étais un objet de collection qu’il voulait voir sur une de ses étagères. Et une fois qu’il m’a eue, je me suis retrouvée enceinte de Kim avant de comprendre mon erreur. À contrecoeur, j’ai accepté l’offre de mon père de l’accompagner pour une campagne de fouilles en Turquie...
    — C’est au cours de ce voyage que vous avez fait la connaissance de Vance ?
    — Oui. Je pensais que le temps que j’allais passer au loin serait une bonne occasion de réfléchir à l’avenir. Quand je suis revenue, j’ai découvert que Doug avait eu une aventure avec... le cliché par excellence.
    — La présentatrice de la météo ?
    — Presque. Sa productrice. Enfin, toujours est-il que c’était ce qu’il me fallait. J’étais tirée d’affaire.
    — Et vous avez récupéré votre nom de jeune fille.
    — Ce