Le dernier templier
dégagea ses mèches mouillées de son visage et regarda la cabine de commandement ravagée. Il n’y avait aucun signe de Vance ou des autres. Sentant les larmes monter, elle se recroquevilla en boule en s’accrochant de toutes ses forces. Désespérée, elle regarda dans la direction où elle avait vu le patrouilleur la dernière fois, espérant qu’il se serait encore rapproché. Mais il n’y avait plus rien en vue.
Et alors, elle l’aperçut. Une lame immense de vingt mètres de haut. Si raide qu’elle était presque verticale, avec devant elle une cuvette énorme qui semblait vouloir avaler le Savarona.
Elle fonçait sur le bateau en détresse par bâbord.
Tess ferma les yeux aussi fort que possible. Sans moteur, il n’y avait aucun moyen de manoeuvrer l’embarcation, que ce soit pour faire face à la vague ou pour s’en éloigner, si tant est qu’il y eût encore quelqu’un à la barre. L’une ou l’autre tentative n’aurait pas empêché le navire d’être très sérieusement secoué, mais il aurait eu une chance de s’en sortir.
Ce monstre allait donc les frapper par le travers.
Et quand cela arriverait, la vague soulèverait les cent trente tonnes d’acier du navire sans effort et le retournerait comme un jouet.
Reilly regarda les balles exploser contre la poupe du bateau de plongée et la fumée noire s’en élever. Il hurla vers De Angelis aussi fort qu’il le put. Mais il savait que l’ecclésiastique n’avait aucune chance de l’entendre dans le vent hurlant et le fracas des salves.
Il se sentit soudain épuisé, effondré. Cependant, il comprit à cet instant précis ce qu’il avait à faire.
En s’arc-boutant contre le bastingage, il sortit son Glock, stabilisa le canon autant que possible dans les assauts du vent et pressa la détente plusieurs fois. Des taches rouges apparurent dans le dos de l’homme d’Église, qui se cambra brutalement avant de retomber en avant sur le canon, dont le fût bascula vers le ciel furieux.
Reilly jeta l’automatique de côte et scruta les flots. Les yeux affrontant les rafales, il chercha le Savarona. Mais tout ce qu’il put voir à travers les rideaux de pluie n’était que montagnes et vallées d’eaux écumantes.
Les plongeurs étaient parvenus à revenir à bord avec les hommes qu’ils avaient arrachés à la mer. Reilly sentit que le patrouilleur changeait de cap. Les moteurs accéléraient afin de hâter la manoeuvre et de limiter le temps où ils allaient se présenter par le travers en risquant de se faire fracasser. Un sentiment de panique s’empara de lui lorsqu’il comprit qu’ils repartaient. À cet instant, la houle s’atténua quelques secondes et ses yeux s’élargirent en apercevant le bateau de plongée chaviré. Sa coque s’enfonçait sous les vagues.
Il n’y avait aucun signe de survivants.
Regardant derrière lui la passerelle du patrouilleur, Reilly vit le commandant qui lui faisait de grands signes pour le faire revenir à l’intérieur. Il tendit le doigt vers l’endroit où il avait aperçu le Savarona. Karakas fit non de l’index et le pointa dans la direction du retour, indiquant qu’ils devaient filer tant qu’ils le pouvaient encore.
L’agent fédéral étreignait le bastingage de toutes ses forces. Ses articulations étaient blanches. Son esprit passait fébrilement en revue toutes les possibilités, mais il n’y avait qu’une seule chose qu’il parvenait à envisager.
Il se précipita vers le canot pneumatique, que les plongeurs avaient laissé amarré sur le flanc du patrouilleur. Cherchant dans sa mémoire tout ce dont il pouvait se souvenir d’un cours de formation de routine du FBI avec les gardes-côtes américains, il sauta dans le Zodiac, tira le levier de débrayage et accroché aux manettes, retenant sa respiration, largua les amarres pour se jeter dans la mer en furie.
78
Reilly avait réussi à lancer le moteur du canot pneumatique. Cherchant à percer le rideau aveuglant de pluie et d’embruns, il se dirigea vers l’endroit où il pensait avoir vu le Savarona retourné pour la dernière fois. Il progressait à l’instinct... et à l’espoir. L’eau était si écumeuse et l’air si saturé d’eau qu’il était presque impossible de dire où la mer finissait et où commençait le ciel.
Les flots se soulevaient et retombaient en une houle vertigineuse. Une vague s’écrasait sur lui et remplissait d’eau le petit canot presque aussi vite qu’une autre le
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