Le dernier templier

ses erreurs.
    Le dernier brin céda enfin. Alors que le Savarona penchait sur bâbord, le faucon tomba soudain et s’écrasa lourdement dans la mer.
    Tess reprit sa progression le long du pont glissant. Elle s’était courbée pour éviter d’entrer dans le champ de vision de Vance. Risquant un coup d’oeil derrière elle, elle entrevit les flotteurs qui émergeaient de la mer écumante. Son coeur s’arrêta de battre tandis qu’elle attendait de voir s’ils retenaient toujours le faucon. En apercevant la sombre forme arrondie surgir entre les ballons gonflés, elle laissa échapper un long soupir.
    Sa joie d’avoir réussi fut de courte durée, car, à ce même instant, une saccade de petites explosions ébranla le Savarona. Plongeant pour se mettre à couvert, Tess regarda du côté du patrouilleur turc et fut stupéfaite de voir le canon à sa proue cracher un feu meurtrier.
    Fouetté par la pluie et les vents, Reilly se précipitait sur les talons de De Angelis. Le Karadeniz bataillait pour rester le plus statique possible. À quelque distance, ses hommes-grenouilles hissaient l’un des plongeurs abandonnés à bord d’un Zodiac tandis que son collègue s’accrochait désespérément à une bouée en attendant de pouvoir être remonté à son tour.
    L’ecclésiastique atteignit enfin la proue. En quelques secondes, il plaça ses épaules entre les montants semi-circulaires du canon. Déverrouillant l’arme redoutable et la faisant pivoter d’une main experte, il repéra le bateau de plongée et lâcha une première salve de balles incendiaires.
    — Non ! s’époumona Reilly en grimpant sur la rampe, puis sur la plate-forme du canon.
    Même avec le vent hurlant dans ses oreilles, le bruit de la pièce d’artillerie était assourdissant.
    Il se rua sur De Angelis, détournant le fut du canon et éloignant du Savarona les balles traçantes, qui disparurent dans la mer. L’ecclésiastique dégagea une de ses épaules du montant de l’arme et attrapa la main de Reilly. Il tordit les doigts de l’agent avant de lui décocher un uppercut. Sean bascula en arrière sur le pont balayé par les trombes d’eau.
    Incapable de se remettre sur pied, Reilly fut précipité loin de De Angelis. Il essaya en vain de saisir quelque chose pour arrêter sa glissade. Sa main attrapa un morceau de corde et il s’y agrippa. Il parvint à se redresser, mais dut rester accroché là alors qu’une montagne d’eau soulevait fortement le patrouilleur par l’avant. Quand celui-ci atteignit le haut de la vague, De Angelis avait déjà réussi à se remettre en position. De nouveau, le navire de plongée était en vue. L’ecclésiastique lâcha une autre rafale. Horrifié, Reilly vit des dizaines de balles former des arcs lumineux, traçant leur route meurtrière à travers l’obscurité pour aller s’abattre sur le bateau grec. Des flammes et des nuages de fumée s’élevèrent au moment où les projectiles frappèrent la poupe du Savarona.
    Recroquevillée derrière un coffre d’acier, Tess sentait son coeur battre à se rompre tandis que le bateau tressaillait sous le feu impitoyable du canon à tir rapide. À mille coups par minute, même une brève rafale libérait une salve dévastatrice.
    Les balles endommageaient le pont autour d’elle. Soudain, une explosion étouffée montant des profondeurs du vaisseau la secoua jusqu’à lui arracher un cri. Presque aussitôt, un nuage de fumée noire s’éleva de l’arrière et des cheminées du pont de travail. Le bateau gîta, comme si quelqu’un avait actionné les freins. Tess comprit que le moteur avait été touché. Elle devina que le réservoir de carburant avait été épargné, puisque le navire n’avait pas explosé sous elle. La jeune femme se mit à compter les secondes, s’attendant au pire. Rien ne se passa.
    Mais la situation n’était guère enviable.
    Sans moteur, le navire devenait totalement impuissant face à la mer déchaînée. Les vagues convergeaient de toutes les directions, frappant l’embarcation et la faisant vaciller et tournoyer comme une auto tamponneuse dans une fête foraine.
    Avec horreur, Tess vit une paroi phénoménale se dresser derrière le Savarona et s’écraser sur le poste de pilotage. Elle parvint in extremis à attraper un garde-corps du bastingage et à l’agripper de ses bras avant que l’eau ne retombe en avalanche sur le navire, inondant tout le pont et faisant exploser les vitres de la passerelle.
    Elle