Le dernier templier
secouait et renversait l’eau. Il s’accrochait quand l’embarcation grimpait ou dévalait des murs d’eau. Son moteur lançait un hurlement infernal chaque fois qu’elle était projetée au-dessus d’une vague et que l’hélice tournait dans le vide.
D’interminables minutes plus tard, il repéra une forme sombre saillant d’une cuvette qui ressemblait à un gouffre dans la mer. Les muscles tendus, il dirigea le petit hors-bord vers le navire en perdition. Mais les vagues déferlantes, peu coopératives, ne cessaient de le déporter. Il devait constamment rajuster son cap en fonction des apparitions fugitives du chalutier retourné entre les montagnes d’eau.
Il n’y avait aucun signe de Tess.
Plus il se rapprochait, plus la vision devenait terrifiante. Des débris étaient dispersés autour de la coque, flottant le long de celle-ci dans une sinistre danse de mort. La partie arrière du navire était immergée et sa proue, pointant hors de l’eau comme un iceberg anguleux, glissait sous les vagues.
Eperdu, il cherchait des survivants. Et Tess. Son espoir s’évanouit, pour renaître quand, à l’autre extrémité de la coque, il la repéra dans un gilet de sauvetage orange. Elle agitait les bras.
Dirigeant le canot vers elle, il manoeuvra autour de la coque massive incrustée de bernacles et s’approcha de la jeune femme. Reilly gardait un oeil sur les vagues qui s’écrasaient sur eux sans répit. Quand il fut assez près, il tendit un bras vers la main de la jeune femme. Mais il la rata. Sans se décourager, il refit une tentative. Cette fois, leurs doigts se touchèrent, s’agrippèrent, et il parvint à ne pas la relâcher.
Avec un timide sourire sur le visage, il la tira à l’intérieur du Zodiac. Là, il vit le soulagement éclairer les traits de la naufragée, puis l’effroi. Elle regardait derrière lui. Il se tourna juste à temps pour voir un fragment du Savarona précipité droit sur lui par une vague déferlante.
Alors tout devint noir.
Désorientée, Tess était certaine qu’elle allait mourir. Aussi put-elle à peine en croire ses yeux quand elle vit Reilly venir vers elle dans un canot de sauvetage pneumatique.
Mobilisant ses dernières forces, elle parvint à attraper sa main tendue pour se hisser dans le petit Zodiac. Mais aussitôt, elle vit une pièce de bois tournoyer au-dessus d’une vague et s’écraser sur lui. La planche le frappa en pleine tête et l’envoya par-dessus bord.
Sans hésiter, elle se jeta à l’eau, tendit le bras et l’agrippa à son tour. Le maintenant d’une main, elle luttait de l’autre pour s’accrocher à l’une des poignées de l’embarcation. Elle vit que les paupières de Sean étaient fermées. Sa tête rebondissait sur le col du gilet de sauvetage. Du sang coulait d’une grande entaille à son front, apparaissant et disparaissant au gré des vagues qui lavaient la blessure.
Elle essaya de le remonter dans le canot, mais comprit vite que c’était une tâche impossible. Pire, elle y perdait le peu d’énergie qui lui restait. L’embarcation devenait davantage un handicap qu’une planche de salut. Peu à peu, elle se remplissait d’eau et menaçait de les heurter à chaque reprise de la houle. Le coeur lourd, elle lâcha la poignée à laquelle elle s’agrippait et en profita pour soutenir Reilly à deux mains.
Regardant le canot pneumatique s’éloigner, elle luttait de toutes ses forces pour maintenir la tête de l’agent fédéral hors de l’eau. Pendant un temps qui lui parut une éternité, il lui fallut toute sa détermination pour rester consciente. La tempête ne montrait aucun signe d’apaisement. Tess savait qu’elle devait demeurer en éveil, mais c’était une bataille perdue. Ses forces s’évanouissaient.
C’est alors qu’elle vit un grand morceau de bois, un panneau d’écoutille, supposa-t-elle. Farouchement, elle se mit à nager vers lui, un bras autour de Reilly, jusqu’à ce qu’elle parvienne à toucher le panneau du bout des doigts et à s’arrimer à une corde qu’il traînait derrière lui. Après quoi, elle se hissa sur la plate-forme en tirant son compagnon. Puis elle utilisa la corde pour accrocher du mieux qu’elle put leurs deux corps à cette épave. Elle attacha aussi les deux gilets ensemble par la ceinture. Rien ne pourrait plus les séparer. D’une étrange manière, cette pensée alluma en elle une étincelle d’espoir.
Alors que la tempête continuait de déchaîner
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