Le dernier templier
propagea dans tout son corps comme si du liquide en fusion avait été versé dans ses organes. Gus Waldron hurla.
Silencieusement.
Un instant, il fut sur le point de s’évanouir, puis la douleur s’éloigna quelque peu. Une concentration de bile envahissait le fond de sa gorge. Il crut qu’il allait vomir. Alors, les mains de l’homme le touchèrent de nouveau et il frémit. Mais cette fois, le contact était doux.
— Tu es gaucher ou droitier ? demanda la voix douce.
Gus suait à grosses gouttes. Gaucher ou droitier ?
« Quelle différence ça peut bien faire ? »
Il leva faiblement sa main droite et devina que l’on glissait un bâtonnet entre ses doigts. Un crayon.
— Écris simplement les noms, lui souffla la voix en guidant le crayon vers ce qui devait être un bloc-notes.
Les yeux bandés et sans voix, Gus se sentait coupé du monde. Plus seul qu’il ne l’avait jamais imaginé. « Bon sang, il n’y a personne dans cet hôpital ? Où sont-ils tous ? Où sont les médecins, les infirmières et ces damnés flics ? »
Les doigts se posèrent sur la chair autour de la blessure et pressèrent, cette fois plus fort et plus longtemps. Une douleur atroce le transperça. Chaque nerf de son corps semblait en feu. Gus se battait contre la sangle qui l’entravait en hurlant toute sa souffrance silencieuse.
— Inutile que ça prenne toute la nuit, indiqua l’homme d’un ton calme. Donne-moi simplement les noms.
Il n’y avait qu’un seul nom qu’il pût écrire. Et c’est ce qu’il fit.
— Branko... Petrovic ? demanda l’homme en déchiffrant l’écriture.
Gus hocha la tête.
— Et les autres ?
Le blessé secoua négativement la tête du mieux qu’il put.
« Bon Dieu, c’est tout ce que je sais. »
Les doigts reprirent leur ouvrage, appuyant plus fort, plus profondément, tordant la chair.
La douleur revint.
Et les hurlements silencieux.
Gus avait perdu la notion du temps. En sueur, rassemblant ses dernières forces, il tâcha d’écrire le nom d’un endroit où Branko travaillait. En dehors de cela, tout ce qu’il pouvait faire, c’était secouer la tête en laissant sa bouche former un « non » muet.
Encore et encore. Et encore.
Finalement, grâce à Dieu, il sentit qu’on enlevait le crayon de ses doigts. Enfin, l’homme comprenait qu’il disait la vérité.
Gus entendit alors de petits bruits qu’il n’identifia pas. De nouveau, les doigts de l’homme soulevèrent une partie du bandage de la tête. Gus eut un mouvement de recul, mais, cette fois, il perçut à peine la piqûre de l’aiguille.
— Encore un peu de calmant, murmura l’homme. Ça va soulager ta douleur et t’aider à dormir.
Gus sentit une lente vague d’engourdissement monter dans sa tête et descendre dans son corps. C’était comme si le noir l’envahissait. En même temps, une douce onde de soulagement se propagea dans tout son être, la conscience que son épreuve, sa douleur, était terminée. Soudain, une idée terrifiante se fit jour : la conviction que le sommeil dans lequel il s’enfonçait était de ceux dont on ne se réveille pas.
Désespéré, il essaya de bouger, mais en fut incapable. Très vite, il lui sembla qu’il ne voulait même plus remuer. Il se détendit. Quelle que soit sa destination, l’endroit ne pouvait être que préférable au cloaque dans lequel il avait passé toute sa vie.
23
Reilly se leva, enfila un tee-shirt et regarda par la fenêtre. Dehors, la rue était mortellement tranquille. La ville qui ne dort jamais... tu parles ! L’expression ne semblait s’appliquer qu’à lui.
De nombreuses raisons l’empêchaient souvent de dormir. À commencer par son incapacité à lâcher-prise. Au cours des dernières années, ce problème s’était posé avec de plus en plus d’acuité. Il ruminait les indices et les données relatives aux affaires sur lesquelles il travaillait. Il n’avait pas vraiment de problèmes pour s’endormir. Habituellement, il s’effondrait exténué et plongeait aussitôt dans le sommeil. Mais quand il atteignait le seuil maudit de quatre heures du matin, il se retrouvait bien réveillé, le cerveau bouillonnant, en train de passer en revue et d’analyser toutes les informations en sa possession afin de débusquer le détail essentiel qui lui permettrait de sauver des vies.
La plupart du temps, la charge de travail était assez intense pour monopoliser ses pensées. Pourtant, son esprit
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