Le dernier templier

n’allait pas le lui demander.
    Quand elle eut fini son récit, Reilly secoua la tête.
    — Qu’y a-t-il ? demanda-t-elle.
    Il se contenta de l’observer en silence, les lèvres pincées.
    — Pourquoi me regardez-vous comme ça ? insista-t-elle.
    — Parce que vous êtes complètement cinglée, vous savez ?
    Elle soupira de lassitude.
    — Pourquoi ?
    — Allons, Tess ! Vous n’êtes pas censée partir à la chasse aux indices et essayer de résoudre seule cette affaire. Bon sang, vous n’êtes même pas supposée vous en occuper du tout. C’est mon boulot !
    — Vous avez peur que je vous ridiculise tous, c’est ça ?
    — Je suis sérieux. Vous auriez pu être gravement blessée. Ou pire. Vous ne voulez pas comprendre, hein ? Des gens sont morts à cause de cette machine. Ce n’est pas de la blague.
    — Ecoutez, je n’avais pas l’impression de me jeter dans la gueule du loup. Je pensais simplement aller rencontrer un vieux professeur d’histoire que je connaissais pour un petit papotage érudit autour d’une tasse de café. Je ne m’attendais pas du tout à ce qu’il tente de m’éliminer avec ce...
    Elle eut soudain un trou.
    —  ... taser.
    — Ce taser , oui, je ne m’attendais pas à ce qu’il me jette à l’arrière de sa voiture et me poursuive dans des égouts infestés de rats. Bon sang, ce n’est qu’un professeur d’histoire ! Ils sont censés être des fumeurs de pipe introvertis et bien élevés, pas des...
    — ... psychopathes ?
    Tess fronça les sourcils et détourna le regard. D’une certaine manière, elle ne jugeait pas ce terme approprié, en dépit de tout ce qui s’était passé.
    — Je n’irais peut-être pas aussi loin, mais... il n’est assurément pas en bonne forme physique et mentale.
    Elle se rendit compte qu’elle ressentait pour le professeur un élan de sympathie qui la décontenança. Elle s’entendit même dire :
    — Il a besoin d’aide.
    L’agent du FBI l’étudia. Il garda un moment le silence.
    — D’accord, nous ferons un débriefing correct et approfondi dès que vous vous sentirez mieux. Mais, pour l’instant, je dois m’assurer que nous allons bien trouver l’endroit où il vous a emmenée. Vous n’avez aucune idée de l’emplacement de cette crypte où il vous a détenue ?
    — Non. Je vous l’ai dit. Quand je suis arrivée en voiture, j’avais les yeux bandés. Et le chemin que j’ai emprunté pour m’échapper n’était qu’un immense labyrinthe de tunnels sombres dans lequel j’ai erré à l’aveuglette. Mais ça ne peut être très loin d’ici puisque je n’ai fait que marcher.
    — À vue de nez, combien de pâtés de maisons avez-vous parcourus ?
    — Je ne sais pas... Cinq ?
    — Allons chercher un plan et voyons si nous pouvons trouver votre prison.
    Reilly allait sortir de la voiture quand Tess l’arrêta de la main.
    — Il y a une chose que je ne vous ai pas dite.
    — Pourquoi ne suis-je pas surpris ? soupira-t-il. De quoi s’agit-il ?
    Tess plongea sa main dans son sac et en extirpa la liasse de cinq ou six feuillets qu’elle avait récupérée sur le bureau de Vance. Elle les tendit à Reilly pour qu’il y jette un coup d’oeil. Elle-même les voyait pour la première fois à la lumière. Les vieux manuscrits sur vélin étaient magnifiques, même s’ils ne comportaient aucune illustration. En revanche, les pages étaient étrangement pleines, l’écriture aux caractères impeccablement tracés courant quasiment de bord à bord. On ne repérait ni ruptures ni espaces entre les mots ou les paragraphes.
    L’agent du FBI contempla les feuilles dans un silence ébahi, puis il releva les yeux vers elle. Tess souriait, et ce sourire éclairait un visage encore barbouillé des saletés et de la poussière des tunnels.
    — Ces documents appartiennent à Vance, lui apprit-elle. Ce sont des manuscrits templiers venant du Languedoc. Mais voilà le problème : le texte n’a aucun sens. C’est du charabia. Et c’est précisément pour ça qu’il avait besoin de l’encodeur. Ces textes contiennent la clé de l’affaire.
    L’expression de l’agent s’assombrit.
    — Alors ces pages sont inutiles sans l’encodeur.
    Un pétillement de semi-satisfaction illumina les pupilles de Tess.
    — Exact, mais... l’encodeur n’a aucun intérêt sans elles.
    La jeune archéologue aurait toujours plaisir à se remémorer ce moment : elle avait devant elle un Reilly sans voix