Le dernier templier

Son imagination était en train de s’emballer. Ce n’était pas le moment. Elle devait se concentrer sur la réalité immédiate.
    De toute façon, il était trop tard.
    Elle était là, devant chez elle.
    Seule.
    Marchant vers la porte, elle s’immobilisa soudain. Elle pouvait imaginer ce qui s’était déroulé à cet endroit, quelque temps plus tôt. Vance avait lui aussi remonté l’allée. Il avait sonné à la porte, discuté avec Eileen. Ils avaient échangé quelques mots sur Oliver Chaykin, sur Tess, et sa mère s’était retrouvée désarmée... Probablement charmée aussi.
    Si seulement elle avait parlé à Reilly !
    Glissant sa clé dans la serrure, elle ouvrit la porte et s’avança dans le séjour. Une scène irréelle l’accueillit. Vance se trouvait là, assis avec sa mère sur le canapé, conversant aimablement en sirotant une tasse de thé. De la musique descendait de la chambre de Kim. Sa fille était en haut.
    Eileen demeura bouche bée en découvrant l’état de sa fille, crasseuse et échevelée. Elle se releva d’un bond.
    — Oh, mon Dieu, Tess ! Qu’est-ce qui t’est arrivé ?
    — Tu vas bien ?
    Vance s’était lui aussi levé. Avec ses yeux écarquillés, il paraissait surpris.
    « Il a le culot de demander ça ! » Tess le toisa. Elle faisait l’impossible pour dissimuler la fureur qui, à cet instant, surmontait toute la peur qu’elle avait pu ressentir jusque-là.
    — Je vais bien.
    Elle parvint même à esquisser un sourire.
    — Il y avait une voie d’eau juste devant le bureau. Un camion a foncé droit dans la flaque alors que j’étais là au bord du trottoir et... et... C’est sans importance.
    Eileen attrapa le bras de sa fille.
    — Il faut que tu te changes, ma chérie. Tu vas attraper froid. Vous nous excusez, Bill ?
    Tess regarda le professeur. Il était debout, plein de chaleur, et, apparemment, il s’était montré inquiet pour elle.
    — En fait, je dois partir.
    Ses yeux plongèrent dans ceux de la jeune femme.
    — Si tu veux bien me donner ces papiers, Tess... ensuite, je me sauve. En outre, je suis certain que la dernière chose dont tu as envie en ce moment, c’est d’un invité dans ta maison.
    Plantée devant lui, Tess le dévisageait dans un silence total. Eileen scruta Vance, puis sa fille. Cette dernière sentit que sa mère était en train de deviner qu’un malaise régnait dans la pièce. Elle changea aussitôt de physionomie et sourit à son « ami ».
    — Bien sûr. Ils sont là.
    Elle attrapa son sac et en sortit les manuscrits, qu’elle lui tendit. Il approcha sa main pour les attraper et, pendant quelques secondes, ils les tinrent tous les deux.
    — Merci. Je vais retourner travailler dessus aussi vite que possible.
    Tess se força une nouvelle fois à sourire.
    — Ce serait formidable Vance se tourna vers Eileen. Il lui prit les doigts et esquissa un semblant de baisemain.
    — Ce fut un plaisir.
    La veuve d’Oliver Chaykin se détendit et rougit. Le compliment la faisait rayonner. C’était un soulagement qu’Eileen ignore qui était Vance en réalité. Pour le moment au moins. Tess se tourna vers lui. Il était en train de la dévisager, mais elle fut incapable d’interpréter son regard.
    — Je m’en vais.
    Il adressa un petit signe de tête à la maîtresse de maison.
    — Encore merci.
    — Il n’y a pas de quoi.
    Il s’arrêta sur le seuil et se retourna vers Tess.
    — On se voit bientôt, lui lança-t-il.
    Sur ce, il s’en alla.
    La jeune femme gagna la porte de sa maison pour regarder son ravisseur reprendre sa voiture et s’éloigner. Sa mère la rejoignit.
    — C’est un homme charmant ! Pourquoi ne m’as-tu pas dit que tu le connaissais ? Il m’a raconté qu’il a travaillé avec Oliver.
    — Tu parles, murmura Tess de manière inaudible.
    Elle ferma doucement la porte. Ses mains tremblaient encore.

41
    Dans le long miroir de sa salle de bains, Tess put enfin se contempler. Elle n’avait jamais été dans un aussi piteux état, sale et livide. Malgré les frémissements de tension qui palpitaient encore dans ses jambes meurtries, elle résista à la tentation de s’asseoir. Après ce qui était arrivé aujourd’hui, si elle s’asseyait, elle savait qu’elle ne serait plus capable de se relever. Et elle se doutait que la journée était loin d’être terminée.
    Reilly était en route pour venir la voir. Il avait appelé peu après le départ de Vance et il arrivait en