Le dernier templier
puisqu’ils ne pouvaient plus s’occuper de la défense de la Terre sainte, celle-ci étant perdue, ils étaient de retour en Europe, principalement en France. Ils étaient armés, puissants et riches. Très, très riches. Le roi de France se sentit menacé. À juste titre. Étant quasiment en situation de banqueroute et se retrouvant endetté à leur profit, il se mit à convoiter leurs richesses. Selon tous les chroniqueurs, Philippe IV était un homme détestable. Je serais enclin à suivre Mme Chaykin en ce qui concerne leur arrestation. Je n’accorderais pas trop de crédit aux accusations formulées contre eux. Jusqu’à leur mort, ils ont été de vrais croyants, des soldats du Christ et, indubitablement, ils étaient innocents des charges portées contre eux. Celles-ci ont simplement fourni au roi un prétexte pour se débarrasser d’eux et faire d’une pierre deux coups. Il éliminait ses rivaux et mettait la main sur leur trésor. Ou au moins, c’est ce qu’il espérait, puisqu’il ne fut jamais trouvé.
— C’est bien d’un trésor physique que nous parlons, pas d’une sorte de « connaissance » ésotérique ? demanda Jans-son.
— Eh bien, je me plais à le croire. Je n’ai jamais trop eu le sens de l’imagination et de la fantaisie, bien que je comprenne l’attrait de toutes ces théories pittoresques. Mais le réel et l’ésotérique pourraient être reliés d’une autre manière. Une grande partie de l’intérêt pour les Templiers vient du fait que personne ne peut expliquer comment ils sont devenus si riches et si puissants en si peu de temps. À mon humble avis, c’est simplement le résultat de l’abondance des dons qu’ils ont reçus dès que leur mission a été largement connue. Mais qui sait ? Peut-être qu’ils ont effectivement découvert quelque secret enfoui qui les a rendus incroyablement riches en un temps record. Mais quel était ce secret ? Était-il lié aux descendants chimériques du Christ, à la preuve selon laquelle Notre-Seigneur aurait enfanté un ou deux enfants mille ans plus tôt... ?
Il toussota.
— Ou s’agissait-il de quelque chose de beaucoup moins controversé, mais de potentiellement beaucoup plus lucratif ?
Il s’interrompit pour s’assurer que tous suivaient encore le fil de sa pensée.
— Je veux parler des secrets de l’alchimie, annonça-t-il, de la formule de la transmutation des métaux ordinaires en or.
43
Autour de la table, les visages figés, murés dans le silence, écoutaient De Angelis leur brosser une histoire de la science hermétique.
Les données historiques venaient soutenir ce qu’il avançait. L’alchimie avait été introduite en Europe au moment des croisades. Les plus anciens ouvrages alchimiques provenaient du Moyen-Orient et avaient été rédigés en arabe, bien avant leur traduction en latin.
— Les expériences des alchimistes étaient fondées sur la théorie d’Aristote sur la terre, l’air, le feu et l’eau. Ils croyaient que tout était constitué par une combinaison de ces éléments. Ils pensaient aussi qu’avec le bon dosage et la bonne méthode, chacun de ces éléments pouvait être transmuté en l’autre. L’eau pouvait facilement être transformée en air en étant portée à ébullition et ainsi de suite. Et dès lors que l’on croyait que tout sur la planète était formé par une combinaison de terre, d’eau, d’air et de feu, en théorie au moins, on estimait possible de transmuter toute matière première en une autre. Et au sommet de la liste des matières enviables figurait naturellement l’or.
L’ecclésiastique expliqua ensuite que l’alchimie fonctionnait aussi sur un plan physiologique. Les quatre éléments d’Aristote se manifestaient également dans le corps humain sous la forme des quatre humeurs : le flegme, le sang, la bile jaune et la bile noire. Chez un humain en bonne santé, on pensait que les humeurs étaient en équilibre. Corrélativement, on considérait que la maladie était la conséquence d’une déficience ou d’un excès de l’une de ces humeurs. L’alchimie n’était donc pas simplement la recherche de la recette de la transmutation du plomb en or. Elle promettait d’élucider les mystères des transformations physiologiques, de la maladie à la santé, ou du grand âge à la jeunesse. En outre, de nombreux alchimistes avaient utilisé la quête de cette formule comme métaphore de la recherche de la perfection morale, en
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