Le dernier vol du faucon
royal.
- Qui a passé cette commande ?
- Le roi lui-même.»
Petraja s'assombrit. Il resta un long moment silencieux, les yeux fixés devant lui.
« C'est donc ça, dit-il finalement. Vichaiyen est parti vers le nord déguisé en garde... »
Il saisit une feuille de papier de riz, la broya rageusement entre ses doigts avant de la lancer de toutes ses forces contre le mur.
« Et il y a plus de trois semaines de cela... Nous ne le rattraperons jamais. »
Il fixa sur le colonel un regard dur. «Va chercher l 'un de ces maudits jésuites que nous retenons prisonniers, lança-t-il d'un ton venimeux. Enlève-lui sa robe et mets-lui des vêtements siamois. Après quoi, tu lui couperas la langue et tu placeras le masque de Vichaiyen sur son visage. Tu le promèneras ensuite à travers toute la ville sur le dos d'un éléphant afin que tous le voient et tu le conduiras près du lac Chupsorn. Là, tu l'exécuteras et tu l'enterreras selon leurs coutumes. Veille à ce qu'il y ait de nombreux témoins.»
Virawan laissa échapper un ricanement. «C'est ce que nous aurions dû faire il y a déjà longtemps de cela.
- Impossible, répliqua sèchement Petraja. Son protecteur était encore en vie. »
Il fit une pause, cherchant à maîtriser sa colère. Puis il regarda le colonel bien en face. «Ces paroles doivent demeurer un secret entre nous, Colonel. L'histoire ne devra jamais savoir que ce n'est pas Vichaiyen mais un prêtre farang qui est enterré sur la rive du lac Chupsorn. »
Quand la nouvelle de la mort du Seigneur de la Vie parvint dans le nord, toute la région prit le deuil. Naraï le Grand avait été un souverain chéri de son peuple et respecté par tous. Mais personne ne le pleura davantage que le grand farang qui était arrivé récemment parmi eux. Il se rasa la tête, revêtit une robe blanche et fut inconsolable.
Trois jours et trois nuits, Nellie et Sunida se relayèrent à sa porte et l'entendirent pleurer son maître bien-aimé. Le quatrième jour, il se montra enfin et déclara à Sunida qui se trouvait là : « Désormais, je n'ai plus aucune raison de rester au Siam.»
Sunida entra et se lova à ses pieds. «C'est exactement ce que désirait le Seigneur de la Vie, dit-elle doucement.
- Il t'a dit ça?»
Sunida leva vers lui un regard malicieux. «Non, c'est à vous qu'il l'a dit.»
Phaulkon fouilla dans sa mémoire. «Quand? Je ne m'en souviens pas. »
Elle eut un petit rire. « Parce que vous étiez inconscient, mon Seigneur.
- Inconscient?
- Oui, mon Seigneur. Après que les gardes vous eurent drogué, le Seigneur de la Vie leur ordonna de vous amener dans sa chambre et de vous ôter votre masque. Puis il vous parla longuement. Ses gardes, les "Bras rouges" m'ont dit qu'il avait pleuré et qu'il vous avait appelé son meilleur ami, le meilleur qu'il ait jamais eu.» Elle courba la tête. «C'est alors qu'il a ajouté qu'il n'y avait plus de place pour vous au Siam et que son esprit vous accompagnerait partout où vous iriez. »
Sept jours après leur arrivée, Phaulkon les réunit tous et, pour la première fois depuis longtemps, réussit à esquisser un sourire.
« Accepteriez-vous de suivre dans l'inconnu un pauvre Barcalon dépossédé de tous ses biens ? »
Ils le regardèrent avec joie, heureux de voir qu'il avait repris ses esprits. Sunida se mit à rire. « Dépossédé de son titre, peut-être, mais pauvre, certainement pas... »
Elle fouilla dans ses cheveux d'où elle finit par extraire un énorme rubis. «Chao Fa Noi m'a dit qu'il vaudrait une fortune en Chine. » Son sourire s'élargit encore. « Et j'en ai encore deux autres semblables.
- Il ne nous reste plus qu'à aller en Chine, alors, lança Phaulkon sur le ton de la plaisanterie.
- En Chine ! » Sunida battit des mains comme une enfant joyeuse. «Toute ma vie j'ai rêvé de voyager au loin ! Et où irons-nous ensuite ? »
Phaulkon avait repris son sérieux. «Je songeais à aller d'abord à Maca où nous aurions pu trouver un bateau pour le Portugal et. de là, gagner la France. Je possède là-bas pas mal de parts dans la Compagnie française des Indes orientales. » Il jeta un regard affectueux à Sunida. « Mais si tu as tellement envie de voir du pays, nous pourrions y aller par la voie de terre en suivant l'ancienne route de la Soie, comme Marco Polo l'a fait avant nous. Après tout, rien ne nous presse.
- L'idée me plaît, déclara Nellie en prenant la main de Mark. Nous sommes déjà venus par
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