Le dernier vol du faucon
voisines du sud. Tous se montraient extrêmement intéressés par les nouveaux arrivants, mais trop timides et bien élevés pour poser des questions.
Assis sur la petite véranda dominant la verte val-lée, Phaulkon ne pouvait s'empêcher de parler sans cesse du roi. Il restait là pendant des heures avec Sunida, passant sans cesse en revue les événements qui lui avaient permis de s'échapper. Plus il apprenait de détails sur la manière dont le roi avait tout orchestré, plus il était malheureux d'avoir abandonné son maître.
Sunida tentait de le raisonner doucement en évitant instinctivement de le prendre de front tout en le dissuadant de retourner en hâte au Palais.
« Croyez-moi, mon Seigneur, tout s'est déroulé selon la volonté du Seigneur de la Vie. Il a voulu votre liberté plus que toute autre chose et il savait que vous ne l'auriez jamais quitté s'il n'avait usé de ce stratagème. Il a été heureux grâce à vous. »
Phaulkon fronça les sourcils. « Comment pouvait-il être heureux sachant que ce traître de Petraja allait lui succéder?»
Sunida sourit. « Le Seigneur de la Vie a été le plus intelligent, en fin de compte. Devant tous les mandarins, il a désigné Sorasak comme successeur, sachant que cela aboutirait à une lutte sanglante entre Petraja et celui-là. Dans sa sagesse, il a espéré qu'ils se détruiraient l'un l'autre et qu'ils laisseraient ainsi la place à un successeur plus éclairé.
- Mais mon rôle était de le débarrasser de Petraja, s'entêta Phaulkon. C'était mon devoir en tant que Barcalon. »
Elle lui toucha doucement le bras. « Pardonnez-moi, mon Seigneur, mais vous avez fait tout ce qui était en votre pouvoir. Le Seigneur de la Vie a dit que vous étiez le plus grand Barcalon qui ait existé de mémoire d'homme.»
Phaulkon la regarda, ému. « Il a dit cela?»
Elle hocha la tête en souriant fièrement.
Phaulkon passait de longues heures à ruminer, ne se laissant parfois brièvement distraire que par la vue de sa petite fille. Sunida et Nellie, de plus en plus attachées l'une à l'autre, veillaient sur lui à tour de rôle pour empêcher qu'il ne parte sur un coup de tête rejoindre son roi. Thomas Ivatt était la plupart du temps absent, prétextant une mission sur laquelle il gardait le secret. Anek et Mark, inséparables, exploraient ensemble la région et rendaient visite aux tribus des montagnes qui les fascinaient.
Ils étaient là depuis quatre jours quand Anek leur annonça qu'il devait regagner son village. C'était là qu'ils s'étaient tous retrouvés pour entamer leur long voyage vers le nord. Phaulkon y avait rejoint Nellie et Mark tandis que, peu après, Ivatt arrivait à son tour en compagnie de Sunida et de la petite Supinda. Les «Bras rouges» du roi les avaient mis sur la route avant de reprendre la direction de Louvo. Selon eux, Petraja recherchait Phaulkon au sud, persuadé qu'il voudrait gagner Bangkok. Quoi qu'il en soit, ils veilleraient eux-mêmes sur la seule et unique route conduisant aux provinces du Nord.
Le départ d'Anek fut une dernière épreuve pour Phaulkon qui voulut à tout prix l'accompagner. Il fallut tous les efforts de son entourage pour le convaincre que c'était une folie et qu'il aurait ainsi contrevenu aux désirs du roi.
Phaulkon se résigna enfin et, les yeux humides, salua une dernière fois Anek. «Tu as été un bon serviteur et un ami. Renonce à ce voyage et accompagne-nous, tu es le bienvenu si tu acceptes de risquer ta chance avec nous.
- Puissant Seigneur, ce serait un honneur pour moi, répondit Anek, profondément touché. Mais je dois retourner dans mon village. Ma mère est malade et je ne peux la laisser mourir seule. »
Ils virent une expression de douleur traverser le visage de Phaulkon. Il pensait à son roi en train de mourir loin de lui.
Le colonel Virawan entra dans le bureau de Petraja, deux paquets sous le bras. Il tendit le plus petit à son chef « Le voilà, Général. Une ressemblance remarquable. Fidèle en tous points au portrait. »
Petraja ouvrit le paquet et examina le masque, l'air satisfait.
«Nous serions la risée de tous si nous laissions croire qu'un farang a pu nous duper.»
Le colonel le regarda d'un air interrogateur. «Je dois vous dire, Général, que l'artisan avait déjà exécuté ce mois-ci une autre commande pour le Palais. »
Petraja eut l'air surpris. «Pour le Palais?
- Oui, Général. Il s'agissait de reproduire le visage d'un garde
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