Le dernier vol du faucon
vers lui.
«Général, je suppose que mon Vénérable Père vous a envoyé à moi pour savoir si j 'avais accepté de changer d'avis?
- Noble Dame, il en est ainsi. Son cœur saigne en pensant à la fille qu'il aime.
- Si cela était, il devrait se préoccuper davantage de mes sentiments.
- Noble Dame, c'est ce qu'il fait. Mais il ne lui est pas toujours aisé de concilier ses deux grandes amours. Vous et le Siam.
- Il y a bien peu de choses que je n'accomplirais pour mon Vénérable Père, Général. Piva n'est qu'un pantin entre les mains des farangs, un roturier qui n'a aucun droit légitime au trône. Il ne pourrait même pas gouverner sans l'aide de Vichaiyen et de l'armée française. Et les farangs exigeront qu'il se convertisse comme prix de leur soutien. De toute façon, sa seule vue me donne le frisson. »
Pour la première fois, elle eut un petit sourire. «Mais pas le genre de frisson qu'une femme pourrait souhaiter. »
Aussitôt que Sa Majesté lui avait ordonné de se rendre à Avuthia pour voir si l'exil de Yotatep l'avait rendue mieux disposée à l'égard d'un mariage avec Piya, Petraja avait conçu l'idée de s'insinuer dans les bonnes grâces de la princesse. Après tout, elle était la fille unique du roi et pourrait se révéler utile pour ses plans futurs. Et il pensait savoir comment flatter sa vanité. Il retint un sourire. Les gens étaient toujours prêts à écouter ce qu'ils désiraient entendre.
« Noble Dame, puis-je vous parler en toute confiance ? »
Ils longeaient un grand bassin rempli de carpes chinoises. Yotatep observa Petraja d'un air interrogateur. «Je n'espérais pas qu'il en serait autrement, Général. »
Petraja la regarda dans les yeux. « Et si votre union avec Piya n'était pas consommée? S'il ne s'agissait que d'un mariage de convenance?
- De convenance pour qui? Pra Piya? Qu'aurais-je à gagner à un tel arrangement?
- La tranquillité d'esprit. Votre Royal Père, que vous adorez et respectez, je le sais, serait un homme heureux. Après quoi...»
Yotatep le fixa brusquement. «Vous voulez dire..?
- Avec le genre de mariage que je vous propose, il n'y aurait aucune raison pour que vous ne vous permettiez pas de distribuer ailleurs vos... gages d'affection. »
Petraja sut immédiatement qu'il avait touché la corde sensible. La principale objection de Yotatep n'était pas tant la succession au trône que sa passion ardente pour son oncle Chao Fa Noi. S'il parvenait,
grâce à son talent de persuasion, à la convaincre d'envisager malgré tout une union avec Piya, Sa Majesté lui en serait grandement redevable. Par la même occasion, la princesse ne manquerait pas de lui en conserver de la reconnaissance pour avoir suggéré une solution qui ne 1 éloignait pas définitivement de son cher Chao Fa Noi.
«Mais mon père ne me permet même pas de m'ap-procher de mon oncle, objecta la jeune fille.
- Les choses pourraient peut-être changer si vous acceptiez d'épouser Piya. Le problème de la succession consume lentement notre vénéré souverain. Sans votre aide, il ne vivra plus très longtemps. »
Elle se tourna vers lui et, pour la première fois depuis son arrivée, il vit une étincelle s'allumer dans son regard. «J'ai besoin de temps pour réfléchir.»
Escorté par un détachement de gardes du palais, Petraja quitta les appartements de Yotatep et se dirigea vers l'entrée principale afin de rejoindre son escorte - ostensiblement pour regagner Louvo. Aucun esclave étranger au palais n'était autorisé à y pénétrer, pas même les serviteurs attachés aux plus hauts dignitaires.
11 décida soudain de tenter malgré tout sa chance. Voilà déjà longtemps qu'il cherchait un moyen d'établir un contact avec Chao Fa Noi. Mais le jeune prince, lui aussi exilé de la cour, avait été mis aux arrêts et privé de tout contact avec l'extérieur.
Le général observa furtivement le capitaine de la garde qui l'escortait. Ils s'étaient déjà reconnus en se rendant chez Yotatep mais sans échanger aucune parole. Petraja ne se souvenait pas de son nom mais il se rappelait fort bien son visage. L'homme devait avoir servi sous ses ordres pendant les campagnes de Birmanie quand, durant cet épisode glorieux de l'histoire siamoise, il avait reconquis les provinces du Nord à la tête de vingt mille éléphants.
«Ne te trouvais-tu pas avec moi en Birmanie?»
demanda-t-il tout à coup en se tournant vers le capitaine.
Il avait parlé sur le ton de
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