Le dernier vol du faucon
courir vers eux.
Tout se passa très vite. Deux hommes, l'un courant à perdre haleine, l'autre sur ses talons, se profilèrent sur la rive. Les cris cessèrent brusquement pour faire place à un halètement rauque, tout aussi inquiétant. On aurait dit que l'homme n'avait même plus la force d'appeler.
La lune émergea d'un nuage et un homme grand, vêtu d'une soutane, surgit de l'ombre en trébuchant. Son poursuivant, le visage masqué, brandissait un objet métallique et luisant. Le premier homme, maintenant bien visible dans la lueur de la torche, semblait beaucoup trop grand pour être un Siamois. Lorsqu'il aperçut le bateau, il se mit à courir comme un fou sur ses longues jambes et, bandant ses dernières forces, se lança sur la jetée. Figée sur le pont, trop terrifiée pour bouger, Nellie contemplait la scène, impuissante. Vivement, Mark se plaça devant elle pour la protéger.
Quelques secondes plus tard, le grand homme bondit sur le pont. Il rata son saut et s'écroula en avant, tout près de Mark. Son corps long et mince était entortillé dans une robe de prêtre. Il resta là à la recherche de son souffle, sa tête chauve nichée dans un bras. Son poursuivant masqué - un Siamois, constata Mark - se matérialisa presque aussitôt. Petit et agile, il plongea sur sa proie, trop essoufflée pour lui résister, et son bras fendit l'obscurité comme un éclair. Dans un dernier effort, l'Européen se retourna, les yeux écarquillés de terreur. Voyant qu'il tentait désespérément de saisir le poignet du Siamois pour détourner le coup, Mark voulut se jeter en avant. Mais Nellie le retint.
«Non, Mark! hurla-t-elle. Non!
- Traître! » cria en français la victime.
Ce fut son dernier mot. Le Siamois se dégagea et abaissa le kris recourbé. Il cria quelques mots en siamois en plongeant la lame dans le cœur du Français. Puis, immobile, il regarda la vie se retirer des yeux de sa victime. Après quoi, il frappa une nouvelle fois
la poitrine du prêtre en s'écriant - cette fois en français : « Salutations de Constantin Phaulkon ! »
Nellie ne parvenait pas à en croire ses oreilles. L'assassin avait-il réellement crié le nom de Phaulkon? Cette fois, elle ne put retenir Mark. Il se précipita sur le Siamois qui, pris de court, laissa échapper le kris. Aussi vif et agile que soit ce dernier, Mark était fort et avait l'avantage de la taille. Ils s'étreignirent furieusement et tombèrent en roulant l'un sur l'autre sur le pont étroit. Folle d'inquiétude, Nellie se saisit du couteau tombé à terre et s'avança vers eux, le bras tremblant, attendant une occasion pour frapper.
Mais les deux hommes se déplaçaient trop vite. Le Siamois se libéra soudain et, avant que Mark n'ait pu se relever, il lui asséna à la tempe un coup de pied vif comme la langue d'un lézard attrapant un insecte. Étourdi par la force et la vitesse du coup, Mark leva instinctivement les mains. Juste à temps. Pivotant sur une jambe le Siamois se retourna et lança son autre jambe, frappant rudement la main du jeune Anglais qui roula sur lui-même pour se mettre hors d'atteinte. Il tenta de se relever mais vacilla, encore étourdi. En un éclair, son adversaire fut à nouveau sur lui. Tournant sur lui-même il lui décocha une série de coups de pied dans les côtes et les reins.
Nellie observait la scène avec horreur. Abandonnant toute prudence, elle se jeta sur l'homme et réussit à lui égratigner le bras de la pointe de sa lame. Sans quitter le jeune Anglais des yeux, il jeta son poing en arrière et frappa violemment Nellie au visage. Le coup fut si inattendu qu'elle chancela et s'écroula sur le pont. Furieux, Mark réussit enfin à se remettre sur pied et se jeta en avant, martelant de toutes ses forces la mâchoire du Siamois qu'il fit valser à plusieurs pas de là sur le pont. Stupéfait, ce dernier tenta de s'échapper mais Mark le poursuivit comme un taureau furieux sans cesser de le rouer de coups. L'homme tomba sur un genou et voulut encore se redresser, mais un direct du droit vint lui fracasser le nez. Il s'écroula, hoquetant de douleur tandis qu'un flot de
sang jaillissait de l'arête brisée. Comme il tentait de se relever, Mark sauta sur lui et arracha son masque tout en le maintenant fermement par les bras.
C'était le moment que Nellie attendait. Elle se mit debout et, le couteau à la main, se précipita vers eux. Mais le Siamois la vit venir et choisit parfaitement son moment. Dès
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