Le discours d’un roi
l’aggravation de l’état de santé du roi.
Le roi eut de nombreux problèmes de santé à la fin des années quarante, et les médecins lui recommandèrent de se reposer le plus possible et de limiter ses apparitions en public. Des difficultés économiques et politiques vinrent toutefois s’ajouter à la liste de ses soucis : élu triomphalement en 1945, le gouvernement travailliste de Clement Attlee avait vu sa majorité fortement réduite en 1950 et se trouvait en grande difficulté. Les élections législatives de 1951 se soldèrent par un changement de majorité et ramenèrent au pouvoir un Winston Churchill âgé de soixante-seize ans.
La santé du roi lui avait toutefois permis de traverser les rues de Londres en carrosse ouvert pour l’inauguration du festival de Grande-Bretagne. « L’heure n’est pas au découragement, déclara-t-il sur les marches de la cathédrale St. Paul. Je considère ce festival comme le symbole du courage et du dynamisme inépuisables de l’Angleterre. » Nombre de ceux qui purent le voir de près durant la cérémonie furent néanmoins frappés par sa mauvaise mine. Ce soir-là, le roi se coucha avec la grippe.
Le roi mit du temps à se remettre et souffrait d’une toux persistante. Les médecins diagnostiquèrent d’abord une inflammation catarrhale du poumon gauche et le traitèrent avec de la pénicilline. Les symptômes persistèrent néanmoins, et ce n’est que le 15 septembre qu’on lui découvrit une tumeur maligne. Trois jours plus tard, Clement Price Thomas, chirurgien spécialiste de ce genre d’affection, informa le roi qu’il fallait procéder à l’ablation du poumon le plus tôt possible. Selon l’habitude de l’époque, il ne lui révéla pas qu’il était atteint d’un cancer.
L’opération eut lieu le 23 septembre et se déroula sans problème. Les médecins avaient craint que le roi ne perde l’usage de certains nerfs du larynx, réduisant potentiellement sa voix à un simple murmure, mais leurs craintes se révélèrent infondées. En octobre, le roi écrivait à sa mère combien il était soulagé de ne pas avoir subi de complications.
Il n’en restait pas moins malade. Exceptionnellement, son discours pour la cérémonie d’ouverture du Parlement fut lu par lord Simonds, alors lord chancelier. Certains lui conseillèrent également de ne pas prononcer de discours de Noël cette année. Plus tard, un journal 92 indiquera qu’il avait été question de faire parler sa femme ou la princesse Elizabeth à sa place. Cela lui aurait certainement épargné bien des peines mais le roi refusa. « Ma fille en aura peut-être l’occasion l’année prochaine, déclara-t-il. Je veux parler à mon peuple moi-même. » La détermination du roi à accomplir lui-même ce devoir – qu’il avait pourtant toujours redouté – montre à quel point, au cours de son règne, ces quelques minutes de l’après-midi du 25 décembre étaient devenues un moment important de la vie de la nation.
Les médecins lui conseillèrent d’éviter le stress d’une diffusion en direct, et un arrangement fut trouvé : le roi enregistra son message morceau par morceau, phrase après phrase, les répétant jusqu’à être satisfait du résultat. Le discours final durait à peine six minutes mais il avait fallu presque deux jours pour les enregistrer. Le résultat était loin d’être parfait : le débit était étrangement rapide à cause du processus de montage. Pour le roi, c’était toutefois mieux que rien. « La nation entendra mon discours, même s’il aurait pu être meilleur », dit-il à un ingénieur du son et à un haut responsable de la BBC, les deux seules personnes autorisées à écouter la version finale de son discours avant diffusion. « Merci pour votre patience. »
La lettre que le roi envoya à Logue en réponse à sa traditionnelle lettre d’anniversaire, le 14 décembre, rend bien compte de son état d’esprit avant l’enregistrement. Il s’agissait de la dernière lettre qu’il écrirait à son ami et thérapeute. Son contenu est d’autant plus émouvant que Logue était lui aussi en mauvaise santé.
Je suis sincèrement désolé d’apprendre que vous êtes de nouveau souffrant. J’ai, pour ma part, passé une année abominable dont le point d’orgue aura été cette lourde opération dont je semble si bien me remettre. Cela est d’ailleurs, à bien des égards, grâce à vous. Avant l’opération, le
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