Le discours d’un roi
ambitions réalisée : le 19 janvier 1948, il écrivit au roi pour lui demander de devenir parrain du College of Speech Therapists, qui comptait à présent 350 membres, disposait de « revenus suffisants » et était désormais reconnu par la British Medical Association. « J’ai soixante-huit ans aujourd’hui, écrivait-il, il serait merveilleux à mon âge de vous savoir à la tête de cette organisation essentielle et en plein essor. » Le roi accepta.
Logue avait toujours du mal à accepter la mort de Myrtle. Ils avaient été mariés pendant presque quarante ans et elle avait joué un rôle central dans sa vie. Sa mort créait un vide considérable. Esprit par ailleurs rationnel, Logue commença à s’intéresser au spiritisme dans l’espoir de communiquer avec sa défunte femme « de l’autre côté ». Il fit la connaissance du médium Lilian Bailey, spécialiste de la transe profonde. Au fil des ans, Bailey s’était constitué une clientèle auprès de personnalités d’Angleterre et d’ailleurs, comme les actrices de Hollywood Mary Pickford, Merle Oberon et Mae West, ainsi que Mackenzie King, Premier ministre canadien.
On ignore combien de temps Logue continua à fréquenter Bailey et à combien de séances il participa ; ses fils étaient toutefois consternés lorsque leur père leur disait qu’il allait « entrer en contact » avec sa femme. « Cela nous paraissait complètement fou et nous espérions vraiment qu’il arrête », se souvient Anne, épouse de Valentine 90 .
Les tristes années de l’immédiat après-guerre furent néanmoins illuminées par une heureuse nouvelle : le 10 juillet 1947, on annonça les fiançailles de la princesse Elizabeth avec Philip, fils du prince André de Grèce et d’Alice de Battenberg, princesse d’origine anglaise vivant au Danemark. Les fiancés s’étaient rencontrés en juin 1939 alors que Philip était âgé de dix-huit ans et la future reine d’Angleterre de seulement treize ans. Le roi et sa famille étaient venus à bord du yacht royal pour visiter l’école navale de Dartmouth, et quelqu’un devait veiller sur Elizabeth et Margaret, alors âgée de neuf ans.
L’ambitieux lord Mountbatten, aide de camp du roi, avait veillé à ce que, parmi tous les jeunes gens présents, ce soit à son neveu Philip que revienne cette tâche. Elizabeth (sa cousine au troisième degré par la reine Victoria et au second degré par Christian IX du Danemark) tomba immédiatement sous le charme de ce grand et beau garçon, major de sa promotion. « Lilibet ne l’a pas quitté des yeux », écrira la gouvernante Marion Crawford dans ses Mémoires. Très vite, les deux jeunes gens commencèrent à s’envoyer des lettres.
Ce qui ne ressemblait au début qu’à une tocade de la part de la princesse Elizabeth devint rapidement une véritable histoire d’amour, encouragée à tous les niveaux par un lord Mountbatten fort désireux de voir sa famille liée à la maison des Windsor. Elizabeth et Philip s’écrivirent et parvinrent même à se rencontrer pendant les permissions de Philip. Toutefois, tant que la guerre faisait rage, leur relation ne pouvait aller plus loin. La paix changea la donne.
Le roi n’était pas convaincu par le choix de sa fille. Il la trouvait trop jeune et craignait qu’elle n’eût jeté son dévolu sur le premier homme qu’elle ait rencontré. À cela s’ajoutait une opinion largement partagée, y compris par le roi, selon laquelle Philip était loin d’être un mari idéal pour une future reine d’Angleterre, notamment en raison de ses origines allemandes. Le bruit courait que, en privé, la reine l’avait surnommé « le Hun ». Espérant que leur fille se trouve un autre prétendant, la reine et le roi organisèrent une série de grands bals remplis de jeunes célibataires et auxquels Philip, à son grand dépit, ne fut pas convié. Elizabeth resta toutefois fidèle à son prince.
En 1946, Philip finit par demander au roi la main de sa fille. George accepta mais à une condition : que les fiançailles ne soient pas officiellement annoncées avant le vingt et unième anniversaire d’Elizabeth, en avril. Un mois avant la date convenue, Philip, suivant les recommandations de son oncle, avait renoncé à ses titres de prince de Grèce et du Danemark, à la nationalité grecque et à la religion grecque orthodoxe. Il se convertit à l’anglicanisme, se fit naturaliser citoyen britannique et adopta
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