Le discours d’un roi
tragédie personnelle.
En juin 1945, il se faisait opérer de la prostate à l’hôpital St. Andrew de Dollis Hill, dans le nord-ouest de Londres, lorsque Myrtle fut victime d’une crise cardiaque. Admise au même hôpital que lui, elle mourut quelques jours plus tard, le 22 juin.
Lionel en eut le coeur brisé. Pendant plus de quarante ans, Myrtle avait fait partie de sa vie et ils s’étaient profondément aimés. Invité en 1942 à la BBC pour participer à l’émission On my Selection – équivalent de Desert Island Discs aujourd’hui –, Logue avait dit de sa femme : c’est « celle qui est restée à mes côtés et m’a tant aidé dans les périodes difficiles ». Myrtle fut incinérée au crématorium de Honor Oak, près de chez eux, dans le sud-est de Londres.
Le roi envoya un télégramme de condoléances dès qu’il apprit la nouvelle. « La reine et moi avons appris la triste nouvelle du décès de Mme Logue et vous exprimons notre plus profonde sympathie à vous et à votre famille. George. » Le roi lui écrivit ensuite deux lettres, l’une datée du 27 juin, l’autre du lendemain : « J’ai été stupéfait d’apprendre cette nouvelle après avoir vu votre femme débordante de santé la nuit de la victoire. N’hésitez pas à me faire savoir si je puis vous aider en quoi que ce soit. »
Logue dut affronter ce deuil avec deux fils absents : Valentine devait partir pour l’Inde quelques semaines plus tard avec une unité de neurochirurgiens et Tony allait probablement être renvoyé en Italie. Logue espérait que Laurie resterait en Angleterre : « Il a beaucoup souffert en Afrique et n’est pas encore remis, écrivit-il au roi le 14 juillet. Je ne sais pas ce que j’aurais fait sans lui. »
De santé encore fragile, Logue décida néanmoins de reprendre le travail, « remède suprême à tous les chagrins ». « Je suis entièrement au service de Votre Majesté, écrit-il. J’imagine qu’une réouverture du Parlement est prévue pour bientôt. »
La cérémonie d’ouverture du Parlement se déroula en effet le 15 août et marqua un retour de toute la pompe d’avant guerre. Des milliers de gens se pressèrent dans les rues pour voir le carrosse royal conduisant le roi et la reine jusqu’au Parlement. On célébrait également un autre événement : quelques heures plus tôt, l’empereur Hirohito avait reconnu la défaite de son pays, frappé par deux bombes nucléaires à Hiroshima et Nagasaki. La Seconde Guerre mondiale était enfin terminée.
Ce jour-là, le roi prononça l’un des discours les plus importants – sur le fond – depuis des dizaines d’années. Pour la première fois de leur histoire, lors des élections de juillet, les Anglais avaient donné une majorité absolue à un gouvernement travailliste dont le vaste programme de réforme sociale, politique et économique allait profondément changer le pays. Parmi les priorités du nouveau gouvernement figurait la nationalisation des mines, des compagnies de chemin de fer, de la banque d’Angleterre et des sociétés du gaz et de l’électricité. Le gouvernement s’était également engagé à réformer les systèmes d’éducation et de protection sociale et à créer un National Health Service. « Mes ministres auront pour tâche de veiller à ce que les ressources nationales, aussi bien en matières qu’en main-d’oeuvre, soient employées de la manière la plus efficace dans l’intérêt de tous », déclara le roi.
Conservateur par nature, le roi s’inquiétait des possibles répercussions des mesures les plus radicales de son nouveau gouvernement. Il fut également peiné par la défaite de Churchill, avec qui il avait tissé des liens étroits durant la guerre. Quels que soient ses doutes, cependant, il était le chef d’une monarchie constitutionnelle et n’avait d’autre choix que d’accepter son nouveau gouvernement. Au plan personnel, il entretint de bonnes relations avec le Premier ministre, Clement Attlee, homme de peu de mots comme lui, ainsi qu’avec plusieurs ministres travaillistes. Une sorte d’affinité naturelle sembla le rapprocher d’Aneurin Bevan, ministre de la Santé, pourtant représentant de la gauche du parti. Bevan avait, lui aussi, longtemps souffert d’un défaut d’élocution et dès leur première rencontre avait exprimé au roi toute son admiration.
Si la guerre était finie, les conditions de vie n’en restaient pas moins
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