Le discours d’un roi
écouteurs du téléphone, vous l’entendrez parler de Windsor », poursuivit Logue.
Après leur dernière répétition, il avait été convenu que Logue téléphonerait au roi après son discours. Logue appela donc le château de Windsor tandis que ses invités se pressaient autour des écouteurs. Quelques secondes plus tard, on entendait la voix du roi.
Logue le félicita pour son magnifique discours et ajouta : « Mon travail est fini, Sire.
— Pas du tout, répliqua le roi. C’est le travail préliminaire qui compte, c’est là que vous m’êtes indispensable ».
Le discours de Noël fut bien accueilli et Logue reçut plusieurs lettres de félicitations, dont une de la part de Hugh Crichton-Miller, célèbre psychiatre domicilié au 146, Harley Street. « Ce discours était bien supérieur à tous les précédents, écrivait Crichton-Miller au lendemain de Noël. Nous avons entendu s’exprimer une nouvelle liberté de façon absolument admirable. »
Ravi, Logue transmit la lettre au roi qui se dit flatté et remercia son professeur. « J’espère que cela ne vous a pas dérangé, j’avais le sentiment de devoir faire au moins un enregistrement tout seul , écrivit-il le 8 janvier. Le travail de préparation reste le plus important et c’est là que votre aide m’est la plus précieuse. J’ignore si vous savez combien je vous suis reconnaissant de m’avoir permis de m’acquitter de cette part si cruciale de mon travail. Je ne vous remercierai jamais assez. »
Quatre jours plus tard, Logue lui répondait : « Lorsque nous avons commencé il y a maintenant plusieurs années, je m’étais donné pour but de vous aider à prononcer un discours sans hésiter et à parler à la radio sans avoir peur du microphone. Comme vous le dites vous-même, ces objectifs sont aujourd’hui atteints et je ne serais pas humain si je ne me réjouissais pas de vous voir capable de les accomplir sans moi.
« Lorsqu’un nouveau patient vient me voir, il me demande souvent : “Est-ce que je pourrai parler comme le roi ?” Je lui réponds : “Oui, si vous travaillez autant que lui.” Je pourrais guérir toute personne sensée si elle est prête à travailler autant que vous. Vous récoltez aujourd’hui les fruits de tous les durs efforts que vous avez accomplis au début de notre travail. »
En janvier 1945, les Allemands avaient été délogés des Ardennes sans parvenir à atteindre le moindre de leurs objectifs. Les Soviétiques donnèrent l’assaut en Pologne, parvenant jusqu’en Silésie et en Poméranie avant de marcher sur Vienne. Pendant ce temps, sur le front de l’Ouest, les Alliés traversèrent le Rhin en mars, envahissant le nord et le sud de la Ruhr, et poussèrent ensuite jusqu’en Italie et dans l’ouest de l’Allemagne. Les deux armées se rejoignirent sur l’Elbe le 25 mai. Cinq jours plus tard, les Soviétiques prenaient le contrôle du Reichstag, signant la défaite militaire du Troisième Reich. Alors que les Russes ne se trouvaient plus qu’à quelques centaines de mètres, Hitler se suicida dans son bunker.
Chapitre quinze
Victoire
Ce fut certainement l’une des plus grandes explosions d’allégresse jamais vues dans les rues de Londres. Le mardi du 8 mai 1945, des dizaines de milliers de gens se réunirent sur l’avenue du Mall pour chanter et danser devant le palais de Buckingham. Le moment qu’ils attendaient depuis plus de cinq ans et demi était enfin arrivé.
Cela faisait déjà plusieurs jours que l’on attendait l’annonce de la défaite allemande : les cloches de la cathédrale St. Paul étaient prêtes à sonner à tout moment pour annoncer la victoire, les gens avaient fait leurs réserves de drapeaux de l’Union Jack et les maisons étaient décorées de drapeaux multicolores. Enfin, à 3 heures, Winston Churchill s’adressa à la nation : la veille, à 2 h 41 du matin, annonça-t-il, le général Alfred Jodl, chef du haut commandement des forces armées allemandes, avait signé un accord de cessez-le-feu au quartier général américain de Reims. Dans son discours, le Premier ministre rendit un vibrant hommage aux hommes et aux femmes qui avaient « vaillamment combattu » sur terre, sur mer et dans les airs, et à tous ceux qui avaient sacrifié leur vie pour la victoire. Il prononça ce discours depuis la salle où se réunissait le cabinet de guerre, la pièce où son prédécesseur, Neville Chamberlain, avait déclaré
Weitere Kostenlose Bücher