Le Druidisme
sur ses propres
échecs. Mais en l’occurrence, ce qu’il rapporte des coutumes gauloises paraît
puisé aux meilleures sources. Il connaissait les Gaulois, s’entourait
volontiers de chefs de tribus, bavardait avec tous ceux qui pouvaient lui
apporter des renseignements sur l’adversaire. Au début de son expédition en
Gaule, il s’était assuré la collaboration du chef atrébate Commios, qu’il avait
d’ailleurs imposé comme roi des Atrébates et des Morins, et connaissait fort
bien le druide éduen Diviciacos dont il avait fait son allié contre le chef
Dumnorix, le propre frère de Diviciacos. Et pour peu qu’on veuille bien
réfléchir aux prérogatives et privilèges que César attribue aux druides, on
reste confondu : ce sont les druides qui détiennent la quasi-totalité des
pouvoirs spirituels et temporels dans la société gauloise. Ajoutons à cela le
fait signalé par de nombreux textes épiques irlandais, à savoir que le roi,
dans une assemblée, n’avait pas le droit de parler avant le druide, et on aura
une idée de la toute-puissance des druides.
Cela dit, tout le contexte est de structure indo-européenne.
Sans aucunement faire référence à une notion de race, puisqu’il s’agit de
structures sociales, les peuples gaulois entrent bel et bien dans le système de
la Tripartition. César est formel : il y a chez eux trois classes, dont
l’une, la plèbe, est insignifiante. Restent les deux autres, les equites qui sont les guerriers, et les druides. Et
il s’agit d’une classe, non pas d’une caste ,
ce qui est important à signaler.
En effet, de l’avis de tous les historiens des religions,
les druides sont les équivalents celtiques des Brahmanes indiens et des
Flamines romains, même si leur nom est entièrement différent (Brahmanes et
Flamines sont linguistiquement apparentés). Or on sait que les Brahmanes se
recrutent exclusivement par la naissance dans une caste, conséquence normale
des croyances hindoues concernant le cycle des réincarnations, et que les
Flamines romains constituaient un collège auquel on ne pouvait accéder que par
cooptation. Au contraire, les druides ne formaient pas une classe fermée :
n’importe qui, membre d’une famille royale, guerrier, artisan, pasteur,
agriculteur, peut-être même esclave, pouvait y accéder – ne serait-ce que dans
une catégorie inférieure – à condition d’avoir suivi des études longues et
poussées. En somme, on devenait druide à la fois par vocation et par probation.
La religion chrétienne, héritière à plus d’un titre de la religion druidique [4] ,
saura s’en souvenir quant au recrutement de ses prêtres.
Comme c’est le cas pour tout le clergé de structure
indo-européenne, du moins dans les commencements, la classe sacerdotale
druidique avait pour mission d’organiser et d’administrer à la fois les choses
divines et les choses humaines. Les Brahmanes actuels, à cause de l’évolution
historique et des vicissitudes de la société indienne, ont seulement gardé de
cette mission son aspect spirituel, abandonnant le pouvoir politique à des
systèmes de plus en plus laïques. C’est de laïcisation qu’il faut parler à
propos des Flamines et du rôle mineur qu’ils ont joué très tôt dans la
République romaine. En effet, si, au moment de la royauté romaine, le rex était le maître du sacré et du profane, on en
est venu très vite, à Rome, à faire la part des choses entre le pouvoir
temporel et le pouvoir spirituel : en fait, la laïcité a été inventée par
la République romaine, bien que, paradoxalement, se développât une religion de
pure forme, nettement nationaliste et civique, à laquelle étaient intégrés les
grands corps de l’État. Pour ce qui est des druides, étant donné qu’ils ont
disparu, noyés dans la romanité et le christianisme, on ne peut rien dire sur
une hypothétique évolution de leur statut. Mais une chose est certaine :
il n’existait pas, dans la société celtique, de nuance entre le sacré et le profane.
À vrai dire, la question ne se posait même pas. Le fait que, lors de la christianisation
de l’Irlande, ce sont presque exclusivement les rois et les fili , c’est-à-dire les héritiers des druides, qui
sont devenus évêques ou abbés, cumulant les pouvoirs temporels et spirituels,
est en somme la preuve absolue de ce monisme qu’il est parfois difficile de
comprendre eu égard à notre mentalité actuelle.
Il faut bien se dire que
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