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Le fantôme de la rue Royale

Le fantôme de la rue Royale

Titel: Le fantôme de la rue Royale Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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l’état de santé de M. de Sartine.
    — Oh ! mon cher, vous le connaissez, «  simplicitas ac modestiae imagine in altitudinem conditus studiumque litterarum et amorem carminum simulans, quo uelaret animium 23  ». Sans, toutefois, manipulation de perruques…
    Tous deux, férus d’humanités se plaisaient parfois, lorsque leur propos se voulait discret, à converser à l’aide de citations latines.
    —  Bene , mais le symptôme est en effet à relever ! Tout cela me rassure. La crise est grave, mais il s’en sortira. Il faudra bien que la vérité éclate, et sous peu. Il n’est que de laisser dans leur sale bourbier croupir la bêtise et l’envie !
    Il cligna de l’œil.
    — Comptez sur moi pour vous transmettre le moindre détail que je pourrais apprendre sur l’impéritie de cette nuit.
    Nicolas sourit et esquissa de la main un geste évasif. Son entrée, éclatante dans le corps des commissaires au Châtelet en 1761 avait frappé l’esprit de ses collègues. La plupart l’appréciaient désormais pour ses qualités propres et s’ouvraient librement à lui de leurs difficultés, assurés qu’il agirait auprès du lieutenant général de police avec loyauté et efficacité. Nicolas, sans outrer sa séduction naturelle, savait rendre les devoirs à des anciens dans le métier, au demeurant tous plus âgés que lui.
    Les registres avaient été disposés dans l’église. Tout autour d’eux montaient les cris et les pleurs des familles. Ils se partagèrent la tâche. Au bout d’un moment, l’inspecteur lui désigna une ligne. Nicolas lut à haute voix :
    — « Une jeune fille frêle, vêtue d’une robe jaune pâle de satin, chevelure blonde, yeux bleus, âgée de dix-neuf ans… »
    Il interrogea l’exempt qui tenait le registre.
    — Cette mention est à la fin. Il n’y a sans doute pas longtemps que l’on a donné le signalement de ce cas ? Vous souvenez-vous du demandeur ?
    — Tout juste un gros quart d’heure, monsieur le commissaire. Un monsieur d’une quarantaine d’années accompagné d’un jeune homme. Il cherchait sa nièce. Il paraissait fort ému et m’a donné une vignette de son commerce pour le joindre en cas de découverte.
    Il nota le numéro de la mention et consulta une boîte en carton où étaient classés divers papiers.
    — Voyons… n 73… Voilà !
    Il sortit un prospectus.
    — «  Aux Deux Castors , Au grand Hyver, rue Saint-Honoré vis à vis l’Opéra. Jean Galaine, Marchand Pelletier, fait et vend généralement toutes sortes de pelleteries, manchons et fourrures, à Paris. » La demoiselle s’appellerait Élodie Galaine.
    La vignette historiée montrait les deux animaux du septentrion symétriquement opposés. Les queues encadraient une gravure représentant un homme à bonnet et robe de fourrure tendant les mains vers le feu d’une cheminée. Le commissaire nota l’adresse à la mine de plomb sur son petit carnet noir.
    — Ne perdons pas de temps, dit-il. Rendons-nous sur place immédiatement.
    Au moment où ils remontaient en voiture, Tirepot apparut et retint Nicolas par un bouton de son habit.
    — J’ai à te dire ceci : les gardes de la Ville ont mené joyeuse vie cette nuit. Ils ont gaillardement fessé les bouteilles dans tous les estaminets des environs pour fêter leur nouvel uniforme. Tout ça un peu partout, et notamment au Dauphin couronné où la Paulet en aura de belles à te conter. M’a chargé de te dire, ainsi qu’à M. Bourdeau, qu’elle vous a attendus, que les mets ont été gâtés, mais qu’elle avait bien compris ce qui se passait. Elle était geignarde, ayant, m’a-t-elle dit, une nouvelle à vous apprendre qui vous fera plaisir. Elle vous attend ce soir sur les dix heures, la truffe ne sera pas ménagée…
    Nicolas remontait dans la voiture quand l’autre le retint encore une fois.
    — Pas si vite ! Regarde un peu ce que des stipendiers distribuent. Cela vient de la Ville. J’ai appris par un prote usant de mon chalet que cela est tiré par imprimerie ayant traité avec l’échevinage pour les annonces d’adjudication. Excuses pour l’état !
    Il tendit au commissaire un placard maculé. Nicolas lui lança une pièce qu’il feignit de refuser tout en la saisissant au vol. Le libelle était lourd et ordurier. Son propos visait M. de Sartine et, au-delà, le principal ministre, Choiseul. Nicolas songea que l’on ne perdait pas de temps à l’Hôtel de Ville. Ces accusations

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