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Le fantôme de la rue Royale

Le fantôme de la rue Royale

Titel: Le fantôme de la rue Royale Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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ce n’est celles précédemment notées à la base du cou. La bouche est tordue et le visage crispé. La chevelure blonde est propre et particulièrement soignée. L’ensemble du corps est également propre. Messieurs, c’est maintenant à vous de procéder.
    Nicolas s’était tourné vers Sanson et Semacgus. Les deux praticiens s’approchèrent et examinèrent avec une attention sourcilleuse le pauvre corps étendu. Ils le retournèrent, observèrent les teintes violacées du dos puis le remirent d’aplomb. En hochant la tête, Semacgus passa la main sur le ventre et regarda Sanson qui se pencha pour faire le même geste ; il saisit une sonde derrière lui pour une investigation plus intime.
    — Cela ne fait aucun doute, en effet.
    — Les indices sont éloquents, mon cher confrère, dit Semacgus. Nous en saurons plus après l’ouverture.
    Nicolas leur jeta un regard interrogateur.
    — Eh oui, dit Semacgus, votre pucelle ne l’était plus, et même tout laisse à penser qu’elle a déjà enfanté. Les constatations ultérieures nous confirmeront le fait.
    Le bourreau hocha la tête à son tour.
    — C’est sans discussion. La disparition de l’hymen nous le prouve, encore que pour certains auteurs l’argument ne soit pas infaillible. De plus, la fourchette est déchirée comme presque toujours chez les femmes qui ont eu un enfant.
    Il se pencha à nouveau sur le corps.
    —  Gravis odor puerperii . L’erreur n’est pas possible, la délivrance ne date que de quelques jours, peut-être moins. Et ces vergetures sur le ventre montrent qu’il a été fort distendu.
    — Sans compter, ajouta Semacgus en la désignant du doigt, cette ligne brunâtre qui va du pubis vers l’ombilic. Quant aux seins et à leur gonflement, ils sont éloquents. Il nous reste à passer à la revue de détail. Tenez-lui la tête bien tendue.
    — Remarquez, dit Sanson, que l’articulation avec la première vertèbre cervicale ne jouit point d’une mobilité normale.
    Nicolas se crispait à la vue du scalpel entamant les chairs. C’était chaque fois la même chose : difficile au début, on tirait désespérément sur sa pipe ou on prisait avec frénésie, et puis, le métier l’emportait peu à peu sur l’horreur du spectacle. La curiosité raffermissait une volonté pressée d’aboutir, d’éclairer, de comprendre les zones obscures d’une affaire. Ce corps n’était plus un être qui avait vécu, mais le but d’un travail précis, obstiné, délicat, avec ses bruits étranges et ses couleurs que le stylet ou la sonde découvrait soudain. Un monde inconnu de mécanique animale apparaissait, offrant, comme boucherie à l’étal, le théâtre intérieur d’une vie avant que la corruption des chairs ne vînt tout emporter.
    Sans échanger un seul mot, se montrant les choses et se comprenant par le regard, le bourreau et le chirurgien de marine procédaient. Au bout d’un long moment, ils remirent tout en place. Les incisions furent cousues à grands points, le corps fut nettoyé et enveloppé dans un grand drap qui, une fois clos, fut scellé de pain à cacheter par le commissaire. Quand tout fut achevé, ils se passèrent les mains au vinaigre et, après se les être soigneusement séchées, demeurèrent silencieux ; aucun ne se décidait à parler.
    — Monsieur, dit enfin Semacgus, vous êtes ici chez vous. Je n’empiéterais point sur votre juridiction.
    — Officieuse, monsieur, officieuse. Je consens, mais faites-moi la grâce de compléter mes propos sans hésiter à m’interrompre.
    Semacgus salua.
    — Je n’y manquerai pas, avec votre autorisation.
    Sanson prit cet air modeste et composé que Nicolas comparait à l’attitude de quelque prédicateur de carême.
    — Je connais, monsieur le commissaire, votre souci d’aller vite et d’obtenir les informations les plus nécessaires à votre enquête. Je crois que vous serez bon marchand 18 de ce que nous avons pu constater. J’irai donc à l’essentiel.
    Il prit une inspiration et se croisa les mains.
    — Nous sommes en présence d’un individu de sexe féminin, d’environ une vingtaine d’années…
    — Fort jolie au demeurant, murmura Semacgus.
    — Primo, nous avons constaté qu’elle avait été étranglée. L’état de sa trachée, les contusions et hématomes internes dus aux épanchements sanguins, tout nous l’indique avec certitude. Secundo, la victime est accouchée récemment, sans que nous puissions vous fixer un

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