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Le fantôme de la rue Royale

Le fantôme de la rue Royale

Titel: Le fantôme de la rue Royale Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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interrogations multiples. La priorité était la reconnaissance du corps. Un silence pesant régnait dans la voiture. Nicolas, face au fils, le vit machinalement arracher la peluche de la portière. Bourdeau feignait de sommeiller, mais il gardait les yeux mi-clos pour observer le marchand. Celui-ci, immobile, fixait le vide avec obstination.
    Les choses se précipitèrent dès l’arrivée au Grand Châtelet. Charles Galaine, appuyé sur le bras de son fils, descendit en hésitant l’escalier de pierre de la vieille prison. Ils se trouvèrent brusquement en présence du drap scellé le matin même par Nicolas et qui venait d’être transporté du caveau voisin. On procéda à son ouverture et le commissaire dégagea le visage de la morte. Il tournait le dos aux visiteurs. Il entendit un bruit sourd ; le fils venait de s’évanouir. On appela le père Marie, qui fit couler quelques gouttes de son révulsif habituel entre les lèvres du jeune homme à qui, pour faire bonne mesure, il assena une magistrale paire de claques. Le traitement était efficace : le fils Galaine reprit ses esprits en soupirant, et l’huissier le remonta dans la cour pour prendre l’air. Charles Galaine voulut le suivre, Nicolas le retint.
    — Monsieur, je vous en prie. Le père Marie est expert, il en a vu d’autres et prendra soin de lui. Il importe que vous me confirmiez l’identité présumée de cette jeune fille.
    Le marchand pelletier regardait le corps, l’air effaré, les yeux écarquillés et les lèvres tremblantes.
    — Oui, monsieur, il s’agit bien, hélas, de ma nièce Élodie. Quelle horreur ! Mais comment vais-je apprendre cela à mes sœurs si affectionnées à cette petite, leur enfant en quelque sorte ?
    — Vos sœurs ?
    — Charlotte, l’aînée, que vous connaissez, et Camille, ma sœur cadette.
    Ils regagnèrent le bureau de permanence où la reconnaissance de M. Galaine fut dûment couchée sur le papier par Bourdeau.
    — Monsieur, dit Nicolas, je dois m’acquitter d’un bien pénible devoir. Il me revient de vous informer que Mlle Élodie Galaine, votre nièce, n’a point péri écrasée, lors de la catastrophe que nous déplorons rue Royale, mais a été assassinée.
    — Assassinée ! Que voulez-vous dire ? Que dois-je entendre ? Vous accablez bien légèrement un parent déjà anéanti par une nouvelle si funeste. Assassinée, notre Élodie ! Assassinée ! La fille de mon frère…
    Grand amateur de théâtre, Nicolas jugea le ton faux. Cette indignation de père noble, si fréquente dans le répertoire du temps, lui semblait appartenir à un registre connu. Il répondit, plus sèchement :
    — Cela signifie ce que ce terme veut dire : que l’examen du corps — Nicolas évita pourtant le terme choquant d’ouverture — prouve de manière indubitable que cette jeune fille, ou jeune femme, a été étranglée. Était-elle mariée ou fiancée ?
    Il n’entendait pas évoquer l’état de la victime, préférant garder une carte qu’il pourrait jouer au moment opportun. La réaction de Galaine le convainquit de la justesse de ce choix.
    — Mariée ! Fiancée ! Vous divaguez, monsieur. Une enfant !
    — Monsieur, je vais devoir vous demander de répondre à mes questions. Le temps pour nous de faire quelques vérifications, car il n’y a aucun doute, le crime est avéré et la procédure se mettra en marche dès que j’aurai rendu mes conclusions au procureur du roi, qui saisira alors le lieutenant criminel.
    — Mais, monsieur, ma famille, ma femme… Leur apprendre…
    — C’est hors de question. Quand avez-vous vu votre nièce pour la dernière fois ?
    Maître Galaine semblait avoir pris son parti de la situation. Il réfléchit un moment.
    — J’étais convié comme membre de la jurande des marchands pelletiers — l’un des grands corps 25 , comme vous savez — à assister à la fête de la Ville. Nous nous sommes d’abord réunis chez l’un d’eux, près du Pont-Neuf. J’ai vu ma nièce le matin même. Le soir, elle devait se rendre place Louis XV pour admirer le feu d’artifice en compagnie de mes sœurs et de notre servante, Miette. Quant à moi, je suis arrivé avec quelque retard place Louis XV, où la presse était déjà grande et j’ai été ensuite séparé de mes collègues par un mouvement de cette foule. Immobilisé près du pont tournant des Tuileries, j’ai assisté à l’horreur de cette nuit, et j’ai aidé jusqu’au petit

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