Le faucon du siam
Barcalon de convoquer ce
farang à une audience.
— Voulez-vous me promettre de me tenir au courant ?
Ce farang est un ami de ma famille et nous nous intéressons à ce qui lui
arrive.
— Certainement, ma Dame. Maintenant que je connais
votre intérêt, je vais m efforcer de découvrir tout ce que je peux sur lui. »
On sonna à la porte. Maria et Thepine se levèrent
aussitôt. Ce devait être le docteur Daniel. Il n'avait pas perdu de temps. La
porte s'ouvrit toute grande, mais voilà que mestre Phanik entra, son
chapeau à la main.
« Oh, qui avons-nous là ? » demanda-t-il d'un ton jovial
en portugais.
Il étreignit Maria et tourna vers Thepine un regard
interrogateur. La courtisane arrangea sa coiffure et arbora son sourire le plus
ensorcelant.
« Heu, mon oncle, cette dame s'est perdue en cherchant le
docteur Daniel. J'ai donc envoyé Kowit le chercher. J'espère que vous ne m'en
voulez pas ?
— Pas du tout. Tu as bien fait. » Mestre Phanik s'adressa à Thepine en siamois. « Vous vous êtes certainement éloignée
de votre chemin, madame. Puis-je demander où vous habitez?
— Près du palais, mon Seigneur, mais je crains de
m'être perdue. Je ne connais pas très bien les quartiers européens. »
Maria lança à Thepine un bref coup d'œil pour l'avertir
de se tenir sur ses gardes. Mestre Phanik examina le genou bandé de leur
visiteuse. « Êtes-vous sérieusement blessée, madame?
— Seulement une petite chute, mon Seigneur, rien que
le docteur Daniel ne puisse soigner, j'en suis sûre.
— Oui, il est très compétent. C'est d'ailleurs un
vieil ami. Vous le connaissez?
— Je l'ai rencontré une fois, voilà longtemps »,
répondit Thepine d'un air grave.
Mestre Phanik l'observait avec curiosité.
« N'est-ce pas la blouse de ma nièce que vous portez?
demanda-t-il.
— Mais si, répondit Thepine. Je suis navrée.
J'allais partir avec. Cette aimable personne me l'a prêtée en voyant combien
j'avais transpiré après mon long détour. » Sans laisser à Maria ni à son oncle
le temps de l'en empêcher, Thepine avait ôté le corsage. Tous deux détournèrent
les yeux mais Thepine remarqua la fugitive expression d'admiration sur le
visage de mestre Phanik lorsqu'elle exhiba sa poitrine parfaite.
La sonnette retentit de nouveau. Thepine se tourna vers
Maria. « Il faut que je parte. Je suis très en retard. Merci de toutes vos
bontés, ma Dame. » Elle salua mestre Phanik et se dirigea vers la porte.
« Oh, demandez au docteur Daniel d'entrer un moment,
insista mestre Phanik. Je ne l'ai pas vu depuis une éternité. Je ne vous
retiendrai pas longtemps ni l'un ni l'autre, je vous le promets.
— Mais, mon oncle, cette dame est pressée », répliqua
Maria, qui tenait à éviter une confrontation.
Thepine n'avait pas encore gagné la porte qu'un
domestique avait fait entrer le chirurgien hollandais. Il ôta son chapeau, révélant
une crinière de cheveux blonds et un visage rougi par le soleil des tropiques.
« Bom dia », dit-il en portugais avec un fort
accent. Puis, apercevant Thepine, il la dévisagea un moment, fort déconcerté.
« Godverdorie, murmura-t-il en hollandais, encore
vous ! Vous allez me faire tuer cette fois ! »
Mestre Phanik les regarda tour à tour d'un air
intrigué.
« Vous vous êtes déjà rencontrés tous les deux ? »
demanda-t-il en portugais au médecin.
Thepine ne comprenait rien aux langues des farangs mais,
à en juger par les expressions qu'elle percevait autour d'elle, elle se
trouvait dans une situation délicate.
Le chirurgien allait répondre quand elle tira d'une
petite bourse en coton un bout de papier qu'elle tendit à Maria. « Je vous en
prie, informez le docteur que j'ai la permission de lui rendre visite. » Elle
désigna son genou. « Pourriez-vous lui demander de m'examiner dès que possible
? Il faut que je rentre avant le coucher du soleil. Il se fait tard. »
Maria lut le document et le traduisit en portugais pour
le docteur qui ne parlait pas deux mots de siamois. Elle omit seulement de
préciser que l'ordre venait du Palais. Elle avait promis à Thepine de l'aider à
rentrer sans encombre et elle ne pouvait pas maintenant laisser son oncle tout
gâcher. Elle entreprit de pousser le chirurgien vers la porte.
« Laisse-moi voir ce papier », dit mestre Phanik,
reconnaissant dans la traduction les nobles tournures du siamois royal.
Avant que Maria ait pu l'en empêcher, il lui avait pris
des mains le document et le
Weitere Kostenlose Bücher