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Le faucon du siam

Le faucon du siam

Titel: Le faucon du siam Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Axel Aylwen
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»
    Dans le silence qui suivit, Phaulkon se demanda si les
battements de son cœur pouvaient être perçus à l'autre bout de la salle.
Était-ce un signe que l'interrogatoire avait commencé ? Durant la longue
semaine où il avait attendu la convocation du Barcalon, il avait envisagé tous
les scénarios imaginables et répété les réponses qu'il fournirait à toute une
série de questions.
    Le Barcalon tourna les yeux vers la boîte à bétel
incrustée posée à ses pieds : aussitôt un esclave sortit en rampant de
l'obscurité derrière lui et ouvrit le récipient, en offrant humblement le
contenu à Son Excellence. Pour la première fois, Phaulkon distingua toute une
rangée d'esclaves accroupis dans les recoins de la pièce. Son Excellence
choisit une noix enveloppée d'une feuille verte et se mit à la mâcher.
    « Mais vous-même travaillez pour les Anglais, je crois,
monsieur Forcone ?
    — Puissant Seigneur, moi, la poussière de vos pieds,
suis employé par la Compagnie anglaise depuis ma prime jeunesse.
    — Et votre loyauté va-t-elle aux Anglais ou au pays
de votre naissance ? »
    Phaulkon sentit que la question dépassait le cadre de la
simple curiosité.
    « Excellence, j'ai perdu tout contact avec mon pays. J'ai
un nouveau maître maintenant. » C'était vrai. Depuis l'âge de dix ans, il avait
été formé pour devenir un Anglais et, vingt ans plus tard, son île natale
n'était qu'un lointain souvenir.
    « Quelle expérience avez-vous des Hollandais ?
    — Une grande expérience, Excellence. J'ai passé deux
ans à Bantam. Et je parle leur langue.
    — Ah oui, Bantam. Une triste épreuve pour nous et
une amère leçon. » Le Barcalon devint pensif et, lorsqu'il reprit la parole,
son ton s'était durci. « Il n'y a pas si longtemps, les Hollandais ont invité
une seconde délégation siamoise à se rendre en Hollande. Pour cette occasion,
nous avons envoyé à Bantam vingt dignitaires qui devaient embarquer à bord d'un
vaisseau hollandais se rendant à Amsterdam. Le gouverneur hollandais de Bantam
qui était, dirons-nous, un homme frugal, décida que vingt de nos compatriotes
représentaient une trop grosse dépense à supporter pour son gouvernement.
Estimant qu'il faudrait de déplaisantes explications s'il renvoyait chez elle
une partie de notre délégation, il fit exécuter sur-le-champ dix-sept de ses
membres. C'est seulement des années plus tard, quand les trois survivants
rentrèrent de Hollande, que nous avons appris la vérité.
    — C'est horrible, Excellence. J'imagine que vous
avez exercé des représailles.
    — Monsieur Forcone, nous ne sommes pas par nature un
peuple violent. Ce n'est pas dans les mœurs bouddhistes. Bien sûr, nous avons
exigé des excuses et une indemnisation : mais quelle somme peut compenser une
telle perte ? On nous a assurés que le gouverneur depuis lors avait été
congédié. Mais surtout, monsieur Forcone, cela nous a donné une leçon à propos
des farangs. » Le Barcalon toisa longuement Phaulkon. « Dites-moi, monsieur
Forcone, quels sont les sentiments des Anglais envers les Hollandais?
    — Nous sommes rivaux, Excellence. Extérieurement,
nous nous saluons comme des amis. Mais, au fond de nous-mêmes, chacun s'efforce
de l'emporter sur l'autre et de prendre pied avant l'autre ici ou là. »
    Le Barcalon tira sur son narguilé tout en continuant
d'examiner Phaulkon.
    « Par exemple, au Siam ? »
    Phaulkon réfléchit rapidement. C'était peut-être là
l'ouverture qu'il attendait.
    « Moi, un cheveu, je pense que les Anglais s'intéressent
surtout au commerce, Excellence. Quant aux Hollandais, l'histoire récente des
Indes orientales est assez éloquente : Ambon, Célèbes, Bantam, Batavia,
Malacca... la liste est longue.
    — Vous voulez peut-être suggérer, observa le
Barcalon, qu'il faut se fier aux Anglais et non pas aux Hollandais ? » Un
pétillement amusé brilla dans son regard.
    « Seulement dans la mesure où les Anglais pourraient
mettre un frein à l'expansion hollandaise, Excellence.
    — De quelle façon ?
    — Moi, la poussière de vos pieds, j'estime que, si
Votre Excellence continue à accorder de petites concessions aux Anglais, les
Hollandais vont tenter de les faire annuler. Et les Anglais trouveront
peut-être que ces concessions sont trop minces pour mériter que l'on se batte
afin de les préserver. » Il marqua un temps. « Moi, un esclave ignorant,
implore votre pardon pour tant de présomption. Mais si Votre

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