Le faucon du siam
d'ébriété. Etant donné les circonstances,
il est peu probable que les Anglais viennent au secours du Siam, même s'ils
étaient en position de le faire. Les Hollandais en sont parfaitement
conscients. »
Vachet hocha la tête. « Oui, oui, nous savons pour M.
Potts, dit-il d'un ton compatissant. Le pauvre. Un de mes collègues est déjà
allé lui rendre visite. Nous prions pour son âme.
— Vous voyez donc, mon Père, que vous vivrez
peut-être assez vieux pour voir le roi de Siam devenir protestant. Si les
Hollandais vous laissent rester suffisamment longtemps, évidemment.
— Et le roi de Siam? Serait-il partisan d'une telle
alliance avec la France? demanda-t-il.
— Je crois qu'il le pourrait, mon Père. Ce sera à
moi de m'en assurer. Votre tâche à vous sera d'obtenir un consensus des
Jésuites pour la signature du traité. Il faudra l'annoncer avec beaucoup de
pompe et de fanfare. Une magnifique ambassade siamoise devra partir pour la
France sur l'invitation du roi Louis. Tout cela, je me charge de l'arranger. On
sait que Sa Majesté siamoise admire beaucoup le roi Louis : l'alliance
n'apparaîtrait donc pas invraisemblable aux yeux des Hollandais. Mais il faut
un document signé pour le leur prouver. » Phaulkon eut soudain une idée. « Il y
a même un portrait du grand monarque accroché dans les appartements privés de
Sa Majesté. Il est pendu juste à côté... » Il s'arrêta comme s'il en avait trop
dit.
« Vous êtes allé là-bas? » demanda le père Vachet,
impressionné. Personne n'avait accès aux appartements privés du roi. Les
Jésuites avaient tenté pendant des années, et sans succès, d'être reçus par
S< Majesté dans ses appartements. Peut-être certains mandarins avaient-ils
ce privilège...
« Je n'ai pas entendu cette question, mon Père »,
répondit Phaulkon d'un ton ambigu. La graine avait été semée.
« Mais même si l'on pouvait annoncer une telle alliance,
cela suffirait-il à dissuader les Hollandais ? » Vachet était maintenant tendu,
avec une certaire angoisse dans la voix.
« S'ils estiment que le traité est authentique, oui. Il
faudra évidemment fabriquer une fausse correspoi-dance antérieure, remontant à
au moins deux ans » Vachet détourna les yeux. « N'oubliez pas, mon Père, que la
dernière chose que souhaitent les Hollandais, c'est de risquer une
confrontation avec la France sur le sol d'Europe. La conquête du Siam ne
pourrait guère justifier le risque de voir envahir la Hollande. »
Le jésuite hocha la tête d'un air absent. « Oui, oui, je
vois ce que vous voulez dire. »
Phaulkon sentit qu'il prenait l'avantage. « La balle est
maintenant dans votre camp, mon Père. À vous de faire comprendre à vos
collègues l'urgence de la situation. Nous n'avons cependant pas le temps de
lanterner. Et le vote des Jésuites doit être unanime. Nous ne pouvons nous
permettre qu'un jésuite mécontent vienne trahir l'ensemble du projet.
— Je vais voir ce que je peux faire. Mais puis-je
donner à mes collègues l'assurance que vous ferez tout ce qui est en votre
pouvoir pour obtenir la conversion du roi?
— Vous le pouvez. »
Le père hésita. « Mon cher Constant, un autre problème me
préoccupe. Il est également cher au cœur de mes frères.
— Dites-moi, je vous en prie, mon Père. »
Il regarda Phaulkon. « Cela concerne Maria. Si vous
deviez l'épouser, la traiteriez-vous bien?
— Mais naturellement, mon Père. Pour qui me prenez-vous
? Parce qu'il s'agirait d'un mariage de convenance, cela empêcherait cette
union d'être heureuse ? On a vu tout au long des siècles de tels mariages
réussir tout autant que d'autres.
— Je doute que le mariage ait lieu si Maria pouvait
savoir que vous le considérez de cette façon, monsieur. Elle est très fière,
vous savez. » Vachet avait l'air pensif. « Trop fière parfois.
— Ce qu'elle ignore ne peut pas la blesser.
— Ne sous-estimez pas son intelligence.
— Certes pas. Je l'ai rencontrée. Elle est raffinée,
pleine de vie, et belle. Et elle sait ce qu'elle veut.
— Mais je puis vous dire une chose, mon ami. Elle
n'acceptera pas celle-là. » Il désigna de nouveau la porte. « Pas plus,
d'ailleurs, que mes frères ni moi. Sommes-nous d'accord sur ce point, Constant
? »
Phaulkon parut réfléchir à la question.
« Dites-moi, mon Père, votre Roi-Soleil, il est fort
respecté ? »
Vachet parut surpris de cette question. « Mais évidemment
: c'est très
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