Le faucon du siam
au visage. Il avait
attendu, pour en informer le Barcalon, de pouvoir lui présenter un nouveau plan
acceptable : le sensible Siamois risquait de réagir trop vivement à la
nouvelle.
« Encore du thé, mon Père ? » proposa-t-il en regagnant
son fauteuil.
Fichu petit diable, se dit le père Vachet. Je me demande
parfois pourquoi je te trouve sympathique. T'obstiner à me faire attendre tout
ce temps.
« Pas pour l'instant, merci, Constant », répondit-il
poliment.
Phaulkon se pencha. « Le père La Chaise est bien le
confesseur du roi Louis XIV, n'est-ce pas ?
— En effet. Et vous pouvez imaginer combien nous
sommes fiers d'avoir un tel homme à la tête de notre ordre.
— Le supérieur général, je crois que vous l'appelez
ainsi ? »
Vachet s'inclina. « Tout à fait, monsieur.
— Ce doit être un homme très puissant, votre
supérieur général. Je veux dire : avoir l'oreille du Roi-Soleil...
— Peut-être l'homme le plus puissant de France,
monsieur, après le roi bien entendu. »
Phaulkon écrasa soigneusement une mouche qui s'était
posée sur son bras. Elle tomba sur le sol en bourdonnant.
« Dans quelle mesure le père La Chaise est-il au courant
de vos projets en ce qui concerne le Siam, mon Père? Connaît-il bien l'ampleur
et l'importance de ce pays?
— Très certainement, monsieur Constant. Le supérieur
général est un homme tout à fait instruit. Entre nous, je me permettrais
d'ajouter que, pour lui, le Siam pourrait être notre plus belle prise. Notre
supérieur a fréquemment discuté de cette question avec le roi Louis. C'est
précisément pour cette raison que Son Éminence l'évêque d'Héliopolis s'est
arrêtée ici en se rendant en Chine.
— L'éventuelle conversion du roi Naraï à la foi
catholique est donc une affaire qui tient à cœur au roi de France?
— Très certainement. Vous pouvez en être assuré. »
Phaulkon regarda le prêtre droit dans les yeux, puis
annonça d'un ton solennel : « Mon père, peut-être puis-je vous aider. »
Le jésuite se pencha en avant : « Vous pouvez ?
— Je le crois », dit-il en souriant.
Vachet le regarda d'un air méfiant. « Alors, mon ami,
quel est votre prix?
— Rien de concret, mon Père, si c'est à cela que
vous pensez. J'ai en tête de plus hautes considérations.
— Dites-le-moi, monsieur, je vous prie. »
Phaulkon s'inclina vers le prêtre. « Je voudrais que
vous annonciez un traité avec la France. »
Vachet resta sans voix. « Un traité avec la France?
finit-il par répéter. Qu'est-ce que... Que voulez-vous dire exactement?
— Un traité d'amitié entre le Siam et le plus
puissant pays d'Europe, scellé par l'annonce que Sa Majesté de France envoie un
régiment de soldats pour l'usage exclusif de son très estimé et bien-aimé
frère, le roi Naraï de Siam.
— Mais le roi Louis n'a rien fait de tel ?
— Il pourrait pourtant le faire lorsque vous informerez
son père confesseur que des millions d'âmes seront sauvées de la damnation
éternelle s'il persuade son roi de signer un tel traité. »
Le père était abasourdi. « C'est possible, dit-il
lentement. Mais nous autres Jésuites n'avons pas le pouvoir de signer de tels
traités.
— Pas même si cela correspondait au projet que vous
chérissez le plus ? Je croyais que le roi Louis était le défenseur de la foi
catholique.
— Oui, mais... Même si... » Vachet leva les bras au
ciel, « même si nous pouvions... envisager ce que vous suggérez, comment
voulez-vous que je sois certain que vous pourriez obtenir la conversion du roi
de Siam?
— Vous ne pouvez pas en être sûr, mon Père, pas plus
qu'en toute bonne foi je ne pourrais le garantir. Mais je suis la meilleure
chance que vous ayez. Avez-vous jamais eu un mandarin européen travaillant pour
vous ?
— Vous vous convertiriez ?
— Si nous nous mettions d'accord sur tout le reste.
— Mais comment expliquerai-je ce soudain... cet
éventuel revirement de la part du roi de Siam ? Après tout, nous autres
Jésuites sommes ici depuis près de vingt ans.
— Par la brusque apparition d'un Vénitien catholique
à la cour de Siam. Un homme d'une grande persuasion, ajouta Phaulkon en
souriant. Voyons maintenant : combien de mandarins avez-vous dit que vous aviez
convertis? Six en vingt ans : cela fait un par... »
Vachet l'interrompit. « Très bien. Mais vous demandez
beaucoup, monsieur.
— Et vous cherchez à obtenir beaucoup, monsieur.
— Vous voulez que je
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