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Le faucon du siam

Le faucon du siam

Titel: Le faucon du siam Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Axel Aylwen
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la
Hollande, surtout sans l'accord de Londres.
    — Pourquoi les Portugais n'ont-ils pas offert leurs
services ? On m'a dit qu'il y en a environ quatre mille au Siam. »
    George cracha par-dessus la balustrade de bois. « Les
Portugais sont lessivés, mon garçon. Ils n'ont plus le pied marin. » Une ombre
passa sur son visage. « Et dire qu'ils étaient autrefois les meilleurs
navigateurs du monde. Que ce soit une leçon pour nous tous ! Ces pauvres
diables au Siam sont ivres d'opium, de vin et du chant des sirènes.
    — Ce n'est pas un si triste sort, rétorqua Phaulkon
en souriant. On dit que là-bas les femmes sont les plus belles d'Asie.
    — Les femmes, mon garçon, fit le vieil homme, les
yeux brillants, ce sont les plus belles créatures sur la terre du bon Dieu.
Minces, gracieuses, toujours souriantes. Avec l'appétit que tu as, tu vas
toutes les adorer. Que Dieu les préserve! » Il leva les yeux au ciel. Puis il
les ferma un moment, en souriant. Phaulkon se demanda s'il rêvait à quelque
récente rencontre.
    Il avait l'esprit tout plein de pensées : les Portugais,
les Hollandais, les Maures, les femmes du Siam, le roi et sa flotte. Il avait
lu avec fascination les récits des voyageurs portugais, De Barros et De Couto,
qui les premiers avaient décrit le Siam et sa superbe capitale Ayuthia, bâtie
sur une île, une métropole plus vaste que Paris. Son réseau de canaux lui avait
fait donner le surnom de « Venise de l'Orient », et l'on racontait que ses
trois cents pagodes aux coupoles dorées étin-celaient comme des joyaux.
    En 1511, quand les envoyés de don Alfonso d'Albu-querque
avaient les premiers appareillé de la colonie portugaise de Malacca pour
débarquer sur le sol de Siam, ils avaient été reçus par le roi Ramatipodi II
avec une hospitalité somptueuse — et une curiosité sans bornes devant le
spectacle qu'offraient les Européens. Des relations amicales et profitables
s'étaient nouées entre les deux pays. En échange de comptoirs et de concessions
lucratives pour le commerce du bois de sampang, de feuilles d'or, de salpêtre,
de peaux de buffles, de nids d'hirondelles et de corne de rhinocéros, des
mercenaires portugais servaient comme officiers dans les armées du Siam quand
deux cent cinquante mille fantassins et vingt mille éléphants de guerre se
lancèrent à l'assaut de l'ennemi héréditaire, la Birmanie.
    Il n'y avait plus aujourd'hui qu'un vice-roi encore en
poste à Goa et deux gouverneurs à Macao et à Timor. Le Portugal n'était plus
qu'un nom, même s'il occupait une place glorieuse dans l'Histoire : les
premiers à doubler le cap Horn, le cap de Bonne-Espérance, les premiers à faire
le tour du monde par la mer. Phaulkon aimait bien les Portugais. Il était allé
à Lisbonne et avait commercé avec eux en Afrique du Nord. Il avait appris leur
langue et s'était perfectionné en Asie — c'était encore la lingua franca du commerce asiatique; il admirait leur vaillance et leur bonne humeur.
C'étaient, pour la plupart, des gens honorables. Après être restés cent
cinquante ans en selle, ils se cramponnaient désespérément aux relations
privilégiées qu'ils entretenaient avec la Couronne sia-moise et s'efforçaient
par tous les moyens d'endiguer l'avance des Hollandais qu'ils dénommaient les
gitans de la mer.
    Comme les rênes du pouvoir sont fragiles, songea
Phaulkon, avec quelle rapidité on détrône les grands rôles de l'Histoire!
Enfant, on lui avait enseigné la gloire de la Grèce antique, alors même que les
envahisseurs vénitiens régnaient sur son île natale. Voilà qu'aujourd'hui le
grand royaume bouddhiste de Siam était à la merci de nouveaux prédateurs : les
Maures à l'intérieur, les Hollandais à l'extérieur...
    Et comment pourrait-il bâtir une flotte pour Sa Majesté ?
Un moment, il se demanda si George n'avait pas perdu la raison. Mais non,
décida-t-il, le vieil homme était aussi sain d'esprit et rusé que jamais.
L'idée était excellente. S'il avait demandé aux Anglais de reprendre leur
commerce avec le Siam, cela laissait penser que l'habile roi Naraï cherchait à
faire pièce aux Hollandais. Si les Anglais parvenaient à se gagner les bonnes
grâces du roi et à profiter de ses besoins immédiats, on pouvait parfaitement
envisager qu'il leur demande de construire et de faire naviguer pour lui une
flotte commerciale dans le golfe du Bengale — d'autant plus que les Maures le
volaient comme dans un bois. On pourrait charger

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