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Le faucon du siam

Le faucon du siam

Titel: Le faucon du siam Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Axel Aylwen
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du roi
Louis. » Il se pencha en avant d'un air complice, savourant l'excitation de
Phaulkon. Tout cela n'avait rien de confidentiel mais Phaulkon écoutait avec
passion. « Il paraît que les négociations ont traîné six mois entiers avant que
1evêque ait finalement été autorisé à rester debout en présence de Sa Majesté.
C'était la première fois qu'un être humain n'était pas à plat ventre devant le
roi de Siam.
    « C'est une société ligotée par des règles comme par des
anneaux de fer, avec le roi au sommet et tous les autres en dessous suivant une
hiérarchie bien définie. Je te le dis, soupira-t-il, il n'y a rien de plus
splendide de ce côté-ci de Cathay. Quand Sa Majesté quitte son palais, vingt
mille esclaves sont à son service et les mandarins de la Cour s'inclinent bien
bas sur leurs éléphants couverts de joyaux.
    « Personne ne rencontre le roi, mon garçon. Le protocole
ne permet à Sa Majesté de s'adresser qu'à des nobles. » Il ricana. « Sage
précaution. Ses ancêtres pratiquent depuis deux mille ans la foi bouddhiste
mais les jésuites français s'efforcent de faire de lui un catholique,
l'ambassadeur de Perse un musulman et les marchands hollandais un protestant. »
D'un geste large, George retira d'entre ses lèvres son cigare de Manille et
approcha son visage de celui de Phaulkon. « Et toi, mon garçon, il faut que tu
lui construises une flotte !
    — Une flotte? » s'exclama Phaulkon.
    Une lueur de défi brilla dans les yeux de George. «
Parfaitement, mon garçon. Il n'en a pas. Ce grand pays n'a pas de flotte,
répéta-t-il. Les Siamois sont un peuple agricole. Ils ne voyagent pas. Ils ne
commercent pas.
    — Que font-ils alors?
    — Ils vivent, mon garçon. Voilà tout. Ils savent
s'amuser. La bonne chère, les femmes — les plus plaisantes du monde —, les
jeux, la danse, les fêtes : c'est un pays riche, petit. » Il haussa les
épaules. « Quand il y a largement assez de nourriture, d'amour et de toits pour
tout le monde, pourquoi s'ennuyer à travailler et à commercer?
    — Voilà donc pourquoi ce sont les Maures qui
tiennent le commerce extérieur du pays ? » murmura Phaulkon entre ses dents.
Les Maures, tous musulmans, descendaient des marchands indiens et persans qui
s'étaient installés au Siam depuis des générations.
    « Les Maures ont le commerce dans le sang, mon garçon. À
partir du port occidental de Mergui, ils font commerce à travers le golfe du
Bengale avec leurs cousins d'Inde et de Perse. C'est un monopole de vampires.
Et ils volent le roi comme dans un bois.
    — Mais pourquoi Sa Majesté le tolère-t-elle ? »
interrogea Phaulkon. Il s'était souvent posé la question. Il se montrait
d'autant plus curieux maintenant que George lui confirmait la rumeur.
    George haussa les épaules. « Parce qu'il en a toujours
été ainsi et que les traditions au Siam ont la vie dure. Parce que ses sujets
ne s'intéressent pas au commerce. Il y en a d'autres qui pourraient les
remplacer. » Il marqua un temps. « Ils pourraient laisser Sa Majesté en tirer
un meilleur profit et avoir quand même de quoi remplir leurs propres poches.
Aucun nom ne te vient à l'esprit, Constant ?
    — Vous et moi, encore une fois? rétorqua Phaulkon en
riant. La vieille équipe.
    — Ah, mon garçon, fit George avec un large sourire,
voilà qui est parler.
    — Mais comment, George ? »
    Le vieil homme se pencha vers lui. « J'ai appris de bonne
source que ces adorateurs d'Allah commencent à se montrer trop gourmands, à
s'adresser plutôt à l'ambassadeur de Perse qu'au roi de Siam pour avoir des
instructions. Je me suis même laissé dire qu'une grande concentration de
fidèles se préparait pour amener le Siam sous l'aile du Prophète, comme Achen,
Golconde, Java, la presqu'île Malaise, Bornéo et les Philippines du Sud...
    — Qui soutient les Maures? l'interrompit Phaulkon.
    — Toute une équipe, mon garçon. Le shah de Perse à
Ispahan, le Grand Moghol à Delhi et le Grand Turc à Istanbul. »
    Phaulkon poussa un léger sifflement. Il resta un moment
silencieux, puis son regard s'alluma. « Ne pourrions-nous pas compter sur la
Compagnie pour fournir les navires ? »
    George secoua la tête avec tristesse. « S'ils avaient
seulement le bon sens de nouveau-nés, nous le pourrions. Mais ces crétins de
Madras sont si occupés à s'enrichir qu'ils ne peuvent pas prendre le temps de
réfléchir. Et ils sont terrifiés à l'idée de déclencher une guerre avec

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