Le faucon du siam
j'ai maintenant terminé
des enquêtes approfondies et je suis en mesure de confirmer sans aucun doute
possible qu'un de leurs agents parle couramment le siamois. C'est le jeune
homme du nom de Thomas Ivatt, qui se fait passer pour une nouvelle recrue.
C'est un linguiste accompli et j'ai eu la confirmation de sa parfaite
connaissance de la langue siamoise par plusieurs sources : deux jésuites
français, trois négociants portugais, tous ses domestiques et un haut
fonctionnaire du ministère du Commerce, Naï Prasert, avec lequel heer Ivatt a été en affaires.
Vous voudrez sans doute transmettre cette information
à Son Excellence, le gouverneur de Ligor, qui dans sa sagesse souhaitera
prendre toute mesure appropriée. Heer Ivatt ne manquera certainement pas
de nier toute connaissance de la langue, mais je suis sûr que Son Excellence,
qui a toute ma confiance, trouvera les moyens de lui arracher la vérité.
Nous avons maintenant la certitude que la jonque Royal Lotus transportait en contrebande des canons le long de la côte du
Siam et nous sommes convaincus que ces armes étaient destinées aux rebelles de
Pattani.
Nous sommes heureux d'avoir découvert à temps cet acte
de trahison et d'avoir pu rendre service à notre vieil ami et allié le Siam,
avec qui nous avons toujours entretenu des relations si étroites.
Vous êtes donc prié de donner immédiatement suite à
cette information et, si besoin, vous êtes autorisé à montrer cette lettre,
portant notre sceau officiel, à Son Excellence le Gouverneur, dont nous
connaissons la réputation d'homme de valeur et l'efficacité.
Pieter releva la tête : « La lettre est signée Aarnout
Faa, agent en chef de l'honorable Compagnie hollandaise des Indes orientales à
Ayuthia. »
Durant toute la lecture, le gouverneur avait gardé un air
grave.
« Et cette lettre vient d'arriver? Est-elle parvenue en
réponse à l'une des vôtres, monsieur Lidrim ?
— Non, Excellence, répondit le Hollandais, évitant
soigneusement de tomber dans le piège. Le rapport que j'ai envoyé après le
naufrage n'aurait guère eu le temps d'arriver déjà à Avuthia.
— Puis-je voir cette lettre, monsieur Lidrim ?
— Bien sûr, Excellence, répondit Van Risling. J'ai
pris la liberté d'ajouter au verso une traduction en siamois, que Pieter ici
présent vous a lue. » Il s'inclina respectueusement et tendit le document au
mandarin.
« Je vous en suis très obligé. » Le gouverneur parcourut
la lettre et l'examina un moment. « Ah, oui, je reconnais le sceau de votre
honorable compagnie. J'aimerais, monsieur Lidrim, emporter ce document avec moi
comme preuve, avec votre permission, bien entendu. »
Le Hollandais était tout sourire. « Mais naturellement,
Excellence. »
L'utilisation du mot « preuve » était des plus
prometteuses. « Et si je puis encore vous aider en quoi que ce soit,
Excellence, n'hésitez pas à faire appel à moi.
— Je n'y manquerai pas, je n'y manquerai pas,
monsieur Lidrim. En attendant, peut-être auriez-vous la bonté de m'envoyer ce
soir votre interprète au palais ?
— Avec plaisir, Excellence, s'empressa de répondre
Van Risling.
— Très bien, je vais maintenant prendre congé. Ce
fut une visite très instructive, monsieur Lidrim. Je vous en remercie.
— Votre Excellence est trop bonne. C'est moi qui
remercie Votre Excellence d'avoir pris le temps de venir au milieu des nombreux
engagements qui l'accablent. »
Le gouverneur se leva et, toujours prosterné, le jeune
Pieter regarda avec stupeur heer Joop s'incliner avec obséquiosité et
raccompagner le gouverneur jusqu'à la porte.
Quelques instants plus tard, le Hollandais regagna son
bureau, l'air extrêmement satisfait, comme s'il venait de remporter une grande
victoire. Le jeune Ivatt allait plus facilement succomber à l'interrogatoire
que ce démon de Phaulkon. La tension et l'angoisse qui semblaient l'accabler
depuis ces deux derniers jours tombaient de ses épaules comme une mangue mûre
de l'arbre.
Phaulkon était allongé sur son lit, ses pensées se
bousculant dans son esprit. Juste au moment où il semblait que le danger était
passé, voilà que Van Risling était revenu le hanter. Que savait donc vraiment
ce maudit Hollandais? Se pourrait-il qu'il bluffât? Quelle nouvelle information
avait-il découverte? Se pouvait-il que, voyant la tournure que prenaient les
choses et prévoyant la libération imminente de Phaulkon, il eût fait une
dernière tentative
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