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Le faucon du siam

Le faucon du siam

Titel: Le faucon du siam Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Axel Aylwen
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découvert qu'il avait été totalement abusé.
    10
    Pieter, le jeune employé de Van Risling, l'interprète
qu'on avait envoyé au palais la veille pour apporter le message du Hollandais,
descendait le couloir nu de la grande factorerie de brique qui constituait
l'avant-poste de l'empire hollandais à Ligor. Il frappa à la porte du bureau de
son chef. Manifestement, il était très excité. Ce n'était pas tous les jours
que le gouverneur de la province, le Pu Samrec Rajakara Meuang, avec dix mille
marques de dignité, leur rendait visite. La mère de Pieter, une Siamoise du
village de Ban Seri, près de Ligor, lui avait inculqué depuis l'enfance le
respect de la hiérarchie officielle : l'idée de se prosterner avec le comité
d'accueil du grand gouverneur le laissait haletant. Déjà la veille, il avait
été très impressionné quand on l'avait envoyé au palais pour la première fois,
en raison de l'indisposition de Hassan, l'interprète malais. Il avait tenté de
dominer sa peur en entrant avec assurance et en prenant une attitude hautaine
comme il avait vu son maître le faire. Mais son estomac lui avait paru aussi
mou qu'une banane trop mûre. Il était étonné et effrayé de constater que son
maître, heer Joop, semblait manifester un dédain presque sans retenue
pour les Siamois, même pour le puissant gouverneur : Pieter s'était souvent
demandé si son propre père, un négociant hollandais itinérant, mort alors qu'il
n'était qu'un jeune enfant, avait eu la même attitude. Il en doutait. Il
n'avait jamais vu personne se comporter comme heer Joop. En vérité, son
maître avait des manières épouvantables. Même les farangs anglais se
conduisaient avec plus de dignité. Il faut reconnaître que heer Joop le
payait bien et que cet argent permettait à Pieter d'entretenir sa mère veuve
avec laquelle il vivait. Être le seul à parler hollandais à Ligor, songea-t-il,
offrait certains avantages pécuniaires, même s'il savait que sa connaissance de
la langue était loin d'être parfaite.
    Le jeune Pieter soupira. Il aurait voulu être comme tout
le monde, et non pas un demi-farang. Il se sentait tellement plus siamois. Et
les Siamois avaient beaucoup plus de dignité que les farangs. Il ne connaissait
guère des manières hollandaises que celles de son rustaud de maître et du bon
vieux chirurgien — mort aujourd'hui — qui lui avait enseigné tout ce qu'il
connaissait de la langue.
    «Entre!» La voix bourrue de son maître interrompit le
cours de ses pensées.
    Heer Joop s'était montré fort maussade et
irritable ces temps-ci, surtout depuis le match de boxe dans lequel le tigre
farang s'était surpassé. Depuis la veille, quand la nouvelle du grand honneur
conféré au farang combattant était parvenue jusqu'à l'usine, son humeur s'était
encore assombrie. L'ordre de l'Éléphant blanc de troisième classe ! Heer Joop avait tout bonnement explosé. Pieter l'avait regardé par le trou de la
serrure : il arpentait son bureau en fixant d'un œil vide les cartes collées
aux murs, en jurant et en marmonnant tout seul.
    Pieter ouvrit la grande porte en bois du bureau de son
maître : elle n'avait qu'un seul battant et s'ouvrait vers l'extérieur,
contrairement aux autres portes.
    « Oui, Pieter, qu'y a-t-il?
    — Pardonnez-moi, Monsieur, mais Son Excellence le
gouverneur est en route. Un esclave est venu en éclaireur annoncer son arrivée.
»
    Le visage de Van Risling s'illumina. Sa généreuse
corpulence s'étala sur le bureau de bois tandis qu'il se penchait en avant. Ses
doigts pianotaient nerveusement le plateau verni.
    « Bon. Veille à ce que Son Excellence soit reçue avec
tous les honneurs et préviens-moi dès qu'elle arrivera. » Le Hollandais était
ravi d'avoir la visite du gouverneur. Cela montrait en tout cas que le mandarin
s'intéressait suffisamment aux révélations du Hollandais pour venir le voir en
personne. Cela n'aurait pas été tout à fait la même chose, se dit Van Risling,
si c'était lui qui avait rendu visite au gouverneur. Il voulait le voir ici,
sur son terrain : il avait donc feint une indisposition.
    « Très bien, Monsieur », répondit Pieter en dissimulant
sa surprise. Cela ne ressemblait guère à son maître de montrer tant de respect.
    « T'es-tu assuré que le hall d'entrée est bien balayé ?
demanda le maître. Son Excellence devrait passer par là.
    — C'est fait, Monsieur. Tous les employés sont
alignés et prosternés de chaque côté du vestibule en

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