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Le faucon du siam

Le faucon du siam

Titel: Le faucon du siam Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Axel Aylwen
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de son parfum aromatisé au bois d'aloès,
venait d'être punie pour avoir répandu des rumeurs traîtresses. À titre
d'avertissement toutes les esclaves avaient été obligées d'assister au
châtiment.
    La courageuse Kalaya n'avait pas poussé un cri. Mais ses
traits s'étaient tordus de terreur et de douleur tandis que l'aiguille lui
traversait les lèvres d'un bout à l'autre de la bouche jusqu'au moment où elles
avaient été cousues en symbole de silence. Bien sûr, Kalaya était une
incorrigible commère et cela lui ressemblait bien de répandre n'importe quelles
histoires. Mais avait-elle vraiment accusé la concubine favorite du Seigneur de
la Vie d'avoir des relations avec un farang? Voilà qui paraissait bien
invraisemblable. Comment cela serait-il possible quand aucune concubine n'était
autorisée à franchir les murs du palais et qu'aucun farang ne pouvait y
pénétrer? Lek se demandait si la moindre histoire ayant un vague rapport avec
des rencontres interdites ne suffisait pas à mettre en rage la reine princesse.
    « Lek, c'est toi ? cria la voix sévère de l'autre côté de
la porte. Qu'est-ce que tu attends? Entre donc. »
    La princesse Yotatep reposa son épisode favori du Ramavana et, comme son héroïne Sita, elle poussa un long soupir. Qui irait jamais croire
que la fille unique du grand Naraï pouvait se sentir aussi misérable ? Car
elle, qui depuis la mort de sa mère avait été élevée au
    rang de reine princesse et que beaucoup appelaient
maintenant « Votre Majesté », elle, qui au fond avait tout, se dépérissait
d'amour.
    « Lek ! » appela-t-elle encore. La petite esclave aux
grands yeux affolés s'avança en rampant et attendit respectueusement les ordres
de sa maîtresse.
    « Lis et ne t'arrête que quand je te le dirai », ordonna
Yotatep. Elle lui tendit avec grand soin le gros volume délabré que sa
grand-mère lui avait légué sur son lit de mort. Le papier de riz était usé, les
caractères souvent effacés, mais la princesse préférait ce vieux volume à
n'importe laquelle des éditions plus récentes. Il semblait que chaque page
était empreinte du caractère sacré de l'âge et de l'amour du scribe. Il lui
serait plus facile, songea Yotatep, de mettre de l'ordre dans ses pensées en
ayant comme fond sonore la voix apaisante de Lek. La fillette était une
lectrice douée : inlassable, elle restait prostrée sur ses genoux et ses coudes
à lui faire la lecture trois ou quatre heures d'affilée. Lek, elle le savait,
tenait tout particulièrement à faire plaisir à sa maîtresse : surtout depuis
que le frère de la petite esclave, Tawee, un des pages de Sa Majesté, avait
déshonoré la famille en montrant du doigt un plat somptueux sortant des
cuisines royales pour être apporté à la table du Seigneur de la Vie. Même si
l'on avait selon l'usage tranché le doigt fautif, la honte n'en demeurait pas
moins dans l'esprit de Lek. Il était fort naturel que le jeune Tawee ait été
impressionné à la vue du tigre de rivière fumant, à peine plus gros qu'un
chien, qui s'étalait sur le grand plateau d'or : il aurait dû pourtant savoir
que l'on ne montre pas du doigt un plat destiné à la table royale.
    La princesse sourit. La leçon infligée au frère lui
donnait au moins l'assurance que sa petite esclave ne montrerait jamais du
doigt quelque chose appartenant à la reine princesse, pas plus qu'elle ne lui
tendrait directement un objet de toilette, comme l'avait fait cette imbécile de
Som. Imaginez l'effronterie de tendre le peigne aux dents d'ivoire directement
vers les mains royales, sans l'avoir au préalable déposé
    dans la coupe au long manche d'or et en le tenant à
distance respectueuse !
    Yotatep soupira tandis que la voix de Lek continuait de
débiter les récits familiers. Quel réconfort elle trouvait dans le Ramayana, et quelle source infinie de sagesse ! Là aussi, on voyait une princesse
troublée, quelqu'un qui en apparence semblait avoir tout, comme elle. Cette
héroïne si haut placée connaissait-elle la véritable amitié? Ou bien n'était-ce
autour d'elle que simple adulation et pure flatterie?
    Yotatep aimait à évoquer la pureté de son ascendance.
Fille de la propre sœur de son père, elle était d'une lignée sans reproche et
reconnue de tous en vertu d'un privilège réservé à la royauté. Car l'inceste
évidemment n'était pas autorisé dans le peuple, et à juste titre. Quel besoin
avait la racaille de préserver une lignée sans

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