Le feu de satan
Philippe de France.
— Nous sommes de loyaux sujets de la Couronne, renchérit Legrave dont le visage enfantin parut encore plus juvénile.
— Alors, prouvez-le ! lança Corbett. Où vous trouviez-vous aujourd’hui, entre les heures de tierce et de none, lorsque ont eu lieu les tentatives d’assassinat dirigées contre notre souverain et moi-même ?
— Pourquoi s’en prendre à nous ? protesta Baddlesmere. Nous ne sommes pas les seuls templiers.
— Vous étiez en France lorsque le roi Philippe fut attaqué. Murston venait du manoir de Framlingham. Il avait en sa possession une bourse pleine d’argent, bien trop pour un simple sergent. Le guet-apens meurtrier sur la route d’York a été tendu, j’en suis convaincu, par un chevalier. Et, surtout, les seules personnes qui connaissaient l’itinéraire qu’allait emprunter notre souverain pour se rendre au palais épiscopal étaient John de Warrenne, moi et... vous.
— Balivernes ! s’exclama Baddlesmere.
Corbett réfuta sa protestation d’un geste.
— Non ! La seule fois où l’on a mentionné cet itinéraire, ce fut hier après-midi au prieuré, et vous étiez présents. C’est moi qui ai délibérément proposé au roi quatre ou cinq itinéraires possibles, et celui passant par Trinity fut choisi juste avant votre entrevue avec lui. Cette décision fut proclamée en public très peu de temps avant l’entrée de notre souverain à York. Or Murston était arrivé la veille à la taverne.
L’effroi se lisait à présent dans les yeux des templiers. Baddlesmere raclait des pieds. Branquier se touchait les lèvres, Legrave jetait des regards noirs à Jacques de Molay tandis que Symmes, tête baissée, caressait sa belette en lui parlant à voix basse.
— Si ce que vous annoncez est vrai, observa le grand maître, le traître est parmi nous.
— Vous oubliez une chose, Sir Hugh, reprit Branquier en désignant la dépouille dans son linceul. Guido a été tué ce matin avant l’aube. Je le concède, il y a un lien entre l’assassinat de cet inconnu sur la route d’York, celui de Murston et la mort étrange de notre régisseur. Cependant, vous ne possédez aucune preuve démontrant que l’un de nous ait été en compagnie de Murston ou sur la route. Par contre, nous sommes tous à même de prouver qu’à l’heure de la mort de Sir Guido Reverchien nous résidions au prieuré St Léonard.
Il perçut la surprise dans les yeux de Corbett.
— L’ignoriez-vous, Sir Hugh ? Nous y avons passé la nuit. Nous n’avons regagné le manoir et découvert la tragédie que peu de temps avant vous.
— Et je m’empresse d’ajouter, intervint Jacques de Molay, que nous vaquions en ville ce matin. Certains problèmes à résoudre chez nos banquiers.
— Tous ensemble ? demanda Corbett en s’efforçant de dissimuler son embarras.
Molay haussa les épaules.
— Bien sûr que non. Legrave m’a accompagné et les autres sont allés ici ou là. Nous avions différentes affaires à régler.
— Donc, n’importe lequel d’entre vous aurait pu se trouver aux côtés de Murston, ou écrire les menaces de mort ou me tirer dessus à l’arbalète ?
— Sir Hugh, hurla presque Jacques de Molay pour couvrir la tempête de protestations, vous parlez sans preuves !
— Je suis revenu ici à la mi-journée, gronda Branquier, pour parler à frère Odo, notre archiviste.
— Et les autres ? s’enquit Corbett.
Ils lui fournirent divers alibis. Apparemment, ils avaient tous regagné Framlingham peu de temps avant qu’il n’arrive lui-même.
— Nous avons trouvé suspecte la mort de Sir Guido, expliqua Branquier, aussi avons-nous décidé d’organiser cette réunion, après avoir fait fermer les portes et doubler la garde.
— Il se peut fort bien que vous soyez innocents, concéda Corbett, mais le roi m’a donné des ordres précis : interdiction est faite à tout templier de sortir du domaine de Framlingham jusqu’à l’élucidation de ces énigmes. Nul d’entre vous n’est autorisé à se rendre à York.
— Entendu ! dit rapidement Jacques de Molay. Et vos serviteurs et vous-même allez loger ici, je suppose ?
— Oui, jusqu’à la fin de cette affaire.
— En ce cas, déclara le grand maître en désignant Legrave, Ralph va vous conduire à l’hostellerie.
Corbett montra la dépouille.
— Et la mort de votre compagnon ?
Molay se leva, un rictus aux lèvres.
— C’est soit un châtiment divin,
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