Le feu de satan
m’a menacé, puis attaqué. Je crois le grand maître quand il dit que le plan de la ville et le message ont été rédigés par Baddlesmere. Mais pourquoi Scoudas les avait-il en sa possession ? Pourquoi ne pas les avoir mieux dissimulés ?
— Peut-être que Scoudas était son messager.
— En ce cas, envisageons trois hypothèses, rétorqua Corbett tandis qu’ils entraient dans la chambre. La première, c’est que Scoudas et Baddlesmere sont les assassins et qu’ils ont péri de mort accidentelle dans des circonstances atroces. Hypothèse fort vraisemblable. Nous avons ces documents comme preuves, mais aucune explication valable quant à l’origine de l’incendie.
Corbett s’approcha de la table et y posa le parchemin.
— La deuxième hypothèse, c’est que Baddlesmere et Scoudas sont membres de ce groupe rebelle, ce qui signifierait que d’autres, dans ce manoir et ailleurs, pourraient être impliqués dans leur trahison.
— Et la troisième ?
— Ils sont les victimes et le vrai assassin, Sagittarius, est libre comme l’air. Cela dit, ajouta Corbett en s’asseyant à la table, nous devons attendre le retour de Claverley et de Maltote.
Il adressa, par-dessus son épaule, un sourire caustique à Ranulf.
— Va jouer aux dés tant que tu voudras. J’ai à travailler.
Ranulf resta un moment dans la chambre à ronger son frein. Il arpentait la pièce et regardait par la fenêtre en bougonnant contre Maltote qui avait eu la chance de pouvoir tirer sa révérence. Corbett finit par lui ordonner de se taire et d’aller se promener. Le serviteur ne se le fit pas dire deux fois. Il détala comme un lévrier.
Corbett se remit au brouillon de lettre qu’il rédigeait, mais jeta vite sa plume, tant il était exaspéré. Meurtre, trahison, tentative de régicide, sodomie et peut-être magie noire ! Il alla mettre le verrou. Il savait comment réagirait le monarque : il pousserait de hauts cris, mais certains membres du Conseil l’inciteraient à prendre des mesures autrement plus concrètes, telles que la fermeture des ports, voire la confiscation des biens et des terres appartenant au Temple.
Il délaissa la lettre et passa les deux heures suivantes à noter tous les faits depuis le début de l’affaire, y compris les conversations et ses propres hypothèses. Mais cela ne le menait nulle part, aussi se pencha-t-il sur les parchemins trouvés sur le bureau de frère Odo et dans les fontes de Scoudas. Il passa au crible les messages de mort des Assassins. Celui cloué à St Paul, le deuxième qu’on lui avait remis à York, le troisième donné par Claverley et le quatrième trouvé dans les sacoches de Scoudas.
Il se leva et s’étira. Et le cinquième ? Ah oui ! L’assassin dans la bibliothèque. Il prit sa plume et le nota. Il les relut tous les cinq, surtout le dernier, puis les examina plus attentivement, sa curiosité piquée au vif. Il existait une différence, comme il l’avait déjà remarqué, mais signifiait-elle quelque chose ? Fébrile, il se mordilla les lèvres. Celui remis par Claverley et celui qu’il avait reçu à York différaient des trois autres qui disaient :
SACHE QUE NOUS ALLONS ET VENONS COMME LE VENT ET QUE TU NE PEUX NOUS ARRÊTER . SACHE QUE CE QUE TU POSSÈDES T ’ ÉCHAPPERA ET NOUS REVIENDRA . SACHE QUE NOUS TE TENONS ET NE TE LÂCHERONS PAS AVANT D ’ AVOIR RÉGLÉ NOS COMPTES .
Or le gribouillage qu’une main mystérieuse avait attaché à la potence de Murston et celui que le petit mendiant lui avait remis sur le pont de l’Ouse disaient :
SACHE QUE CE QUE TU POSSÈDES T ’ ÉCHAPPERA ET NOUS REVIENDRA . SACHE QUE NOUS ALLONS ET VENONS COMME LE VENT ET QUE TU NE PEUX NOUS ARRÊTER . SACHE QUE NOUS TE TENONS ET NE TE LÂCHERONS PAS AVANT D ’ AVOIR RÉGLÉ NOS COMPTES .
A quoi rimait cette différence ? Une simple erreur ? Il s’approcha de la fenêtre et regarda dans la cour. Les soldats couraient en tous sens et commençaient à déblayer les débris calcinés. Une simple négligence ? Peut-être, mais sinon, quelle valeur lui donner ?
— Admettons, murmura-t-il, qu’il y ait trois comploteurs : Murston, Baddlesmere et Scoudas. Chacun remet ces menaces à des moments différents. Cela expliquerait-il ces transcriptions différentes ?
Il s’aspergea le visage. En remarquant l’eau sale du bassin, il se rendit compte qu’il s’était si absorbé dans ses réflexions qu’il portait encore des marques de fumée et de
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