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Le feu de satan

Le feu de satan

Titel: Le feu de satan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul C. Doherty
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dans un linge.
    — Bien !
    Corbett s’assit à table en se frottant le menton.
    — Maintenant que je me suis lavé, je vais vous résumer la teneur de ces ouvrages. D’abord, le feu n’est pas d’origine démoniaque, mais humaine.
    Il mordit dans du pain. Ranulf racla des pieds d’impatience.
    — Au début, j’ai pensé qu’on avait allumé ce feu avec une sorte d’huile, mais cela n’aurait pas été sans danger. L’huile brûle parfois difficilement, surtout quand il gèle. C’est ce qu’avait compris frère Odo – que son âme repose en paix ! Il a dû relire sa chronique et se rappeler les boulets enflammés que projetaient les mamelouks sur Saint-Jean-d’Acre. Oh, rien d’extraordinaire ! des chiffons imbibés de goudron et de poix, que l’on enflammait dans un trébuchet et expédiait sur les assiégés. J’ai vu la même chose lors de certains sièges : de la paille ou des chiffons imprégnés de soufre, qu’on brûlait.
    « Mais ce feu-là était différent. Odo s’en est rendu compte. Passionné par l’art militaire, il se souvint de deux ouvrages : un traité des Anciens, Liber Ignium, le « Livre des Feux », et l’essai, bien plus intéressant, de frère Bacon : De secretis operibus artis et naturae. Ces deux traités décrivent une substance fort dangereuse, un mélange d’éléments qui, exposé à une flamme nue, crée du feu qu’il est très difficile d’éteindre, même avec de l’eau.
    — Et c’est ce qui provoqua ces assassinats, d’après vous ? demanda Ranulf.
    — Peut-être. Le Liber le décrit comme étant un mélange de soufre, de tartre et de ce qu’il appelle Salcoctum , ou « sel cuit ». Frère Bacon est plus précis : il dit que ce produit est du salpêtre, mais il dissimule sa découverte sous des devinettes et des anagrammes, pourtant, à l’en croire, ce salpêtre mélangé à du soufre et du tartre prendrait feu instantanément.
    — Mais vous avez bien déclaré, observa Ranulf, que beaucoup considéraient Bacon comme un fou.
    — Certes, mais je doute qu’il l’ait été. Il avait acquis son savoir auprès des Arabes. Selon eux, cette substance était bien connue des anciens Grecs ainsi que des armées de Byzance qui l’avaient utilisée pour détruire une flotte sarrasine. D’où le nom de « feu grégeois » ou « feu marin ».
    — Et bien sûr, ajouta Ranulf, comme les commandeurs ont servi en Terre sainte, il y a fort à parier qu’ils connaissaient ce secret.
    Corbett porta un morceau de pain à sa bouche.
    — Et surtout les templiers ont les plus belles bibliothèques du monde, notamment celles de Londres et de Paris. Cela dit, même si Jacques de Molay et ses compagnons connaissent la nature de ce feu mystérieux, ils sont trop absorbés par ce qui arrive à leur ordre. Tout ce qu’ils voient, ce sont ces morts affreuses et les scandales qui en découlent.
    Il sirota sa bière.
    — Frère Odo était différent : plus serein, plus détaché, un véritable érudit. L’assassinat de Reverchien a dû réveiller ses souvenirs. Il s’est mis en quête de ce que j’ai trouvé.
    — Pouvez-vous le prouver ? demanda Ranulf.
    — Si c’est nécessaire, oui, mais...
    La porte s’ouvrit à toute volée et Molay entra en coup de vent.
    — Sir Hugh, venez immédiatement. C’est Baddlesmere...
    Il ressortit à grands pas en ne laissant pas le choix à Corbett. Celui-ci le suivit, Ranulf et Maltote sur ses talons. Le grand maître marchait à longues enjambées sans regarder derrière lui. Il contourna le logis pour gagner le quartier des serviteurs, monta quelques marches et longea un étroit couloir. Des sentinelles lui ouvrirent une porte. Il entra, imité par Corbett.
    — Oh, Seigneur !
    Corbett détourna la tête. Vêtu d’une simple chemise et de ses chausses, Baddlesmere s’était pendu à une poutre en y accrochant un drap. Vision sinistre et, en même temps, pitoyable. Sa face était violacée, ses yeux exorbités, ses lèvres à demi ouvertes sur la langue mordue. Son corps se tordait comme une grotesque poupée de son, bercée par la brise qui passait par l’archère. Corbett saisit sa dague et, aidé de Ranulf, détacha le pendu et le déposa sur le lit de camp. Jacques de Molay resta sur le seuil, le visage blanc comme marbre, les yeux soulignés de cernes profonds. Il ouvrit la bouche pour parler, mais se ravisa et hocha la tête.
    — Que disiez-vous, Monseigneur ?
    Les lèvres de Molay

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