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Le Feu (Journal d'une Escouade)

Le Feu (Journal d'une Escouade)

Titel: Le Feu (Journal d'une Escouade) Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Henri Barbusse
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des environs – tant plus qu'l'eau tombait à pleins seaux.
    » Ça d'venait impossible d'aller pas vite. On s'met à courir. On passe devant la ferme des Alleux – une espèce de fantôme de pierre ! – qui est la première maison. Des morceaux de murs comme des colonnes déchirées qui sortaient de l'eau : la maison avait fait naufrage, quoi. L'autre ferme, un peu plus loin, noyée kif-kif.
    » Notre maison est la troisième. Elle est au bord de la route qu'est tout sur le haut de la pente. On y grimpe, face à la pluie qui nous tapait d'sus et commençait dans l'ombre à nous aveugler – on se sentait l'froid mouillé dans l'œil, v'lan ! – et à nous mettre en débandade, tout comme des mitrailleuses.
    » La maison ! J'cours comme un dératé, comme un Bicot à l'assaut. Mariette ! Je la vois dans la porte lever les bras au ciel, derrière c'te mousseline de soir et de pluie – de pluie si forte qu'elle la refoulait et la retenait toute penchée entre les montants de la porte, comme une Sainte-Vierge dans sa niche. Au galop, je me précipite, mais pourtant, j'pense à faire signe aux camaros d'm'suivre. On s'engouffre dans la maison. Mariette riait un peu et avait la larme à l'œil d'me voir, et elle attendait qu'on soit tout seuls ensemble pour rire et pleurer tout à fait. J'dis aux gars de se r'poser et de s'asseoir les uns sur les chaises, les autres sur la table.
    » – Où vont-ils, ces messieurs, demanda Mariette. – Nous allons à Vauvelles. – Jésus ! qu'elle dit, vous n'y arriverez pas. Vous ne pouvez pas faire cette lieue-là par la nuit avec des chemins défoncés et des marais partout. N'essayez même pas. – Ben, on ira d'main alors ; on va seulement chercher où passer la nuit. – J'vais aller avec vous, que j'dis, jusqu'à la ferme du Pendu. Y a d'la place, c'est pas ça qui manque là-dedans. Vous y ronflerez et pourrez partir au p'tit jour. Jy ! mettons-y un coup jusque-là.
    » Cette ferme, la dernière maison de Villers, elle est sur la pente ; aussi y avait des chances qu'elle soye pas enfoncée dans l'eau et la vase.
    » On r'sort. Quelle dégringolade ! On était mouillé à n'pas y t'nir, et l'eau vous entrait aussi dans les chaussettes par les semelles et par le drap du froc, détrempé et transpercé aux g'noux. Avant d'arriver à c'Pendu, on rencontre une ombre en grand manteau noir avec un falot. À lève le falot et on voit un galon doré sur la manche, puis une figure furibarde.
    » – Qu'est-ce que vous foutez là ? dit l'ombre en campant en arrière et en mettant un poing sur la hanche, tandis que la pluie faisait un bruit de grêle sur son capuchon.
    » – C'est des permissionnaires pour Vauvelles. Ils peuvent pas r'partir à c'soir. I's voudraient coucher dans la ferme du Pendu.
    » – Quoi vous dites ? Coucher ici ? C'est-i qu'vous seriez marteaux ? C'est ici le poste de police. J'suis l'sous-offlcier de garde, et il y a des prisonniers boches dans les bâtiments. Et même, j'vas vous dire, qu'i' dit : il faudrait voir à c'que vous vous fassiez la paire d'ici, en moins de deux. Bonsoir.
    » Alors on fait d'mi-tour et on se r'met à r'descendre en faisant des faux pas comme si on était schlass, en glissant, en soufflant, en clapotant, en s'éclaboussant. Un des copains m'crie dans la pluie et le vent : « On va toujours t'accompagner jusqu'à chez toi ; pisqu'on n'a pas d'maison, on a l'temps. »
    » – Où allez-vous coucher ? – On trouvera bien, fais pas, pour quéqu'heures qu'on a à passer ici.
    – On trouv'ra, on trouv'ra, c'est pas dit, que j'dis… En attendant, rentrez un instant. Un p'tit moment, c'est pas d'refus. » Et Mariette nous voit encore rentrer à la file, tous les cinq, trempés comme des soupes.
    » On est là, à tourner et r'tourner dans notre petite chambre qu'est tout ce que contient la maison, vu qu'c'est pas un palais.
    » – Dites donc, madame, demanda un des bons-hommes, y aurait-il pas une cave ici ?
    » – Y a d' l'eau d'dans, que fait Mariette : on ne voit pas la dernière marche de l'escalier, qui n'en a que deux.
    » – Ah ! zut alors, dit l'bonhomme, parce que j'vois qu'y a pas d'grenier non plus…
    » Au bout d'un p'tit moment, i' s'lève :
    » – Bonsoir, mon vieux, qu'i' m'dit. On les met.
    » – Quoi, vous partez par un temps pareil, les copains ?
    » – Tu penses, dit c'type, qu'on va t'empêcher de rester avec ta femme !
    » – Mais, mon pauv' vieux.
    » – Y a pas d'mais. Il est

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