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Le Fils de Pardaillan

Titel: Le Fils de Pardaillan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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peut-être que la violence de Saêtta, elle dit :
    – Explique-toi… Je crois que nous pourrons facilement nous entendre.
    Par un effort puissant, Saêtta parvint à se maîtriser.
    – Je crois, dit-il d’une voix qu’un reste d’émotion faisait trembler encore un peu, je crois le moment venu de vous dire ce que m’a fait l’illustrissime princesse Fausta… Cette histoire très banale vous intéressera maintenant.
    Soit que la Galigaï connût à fond le caractère de l’homme à tout faire qui agissait vis-à-vis d’elle avec un aussi extraordinaire sans-gêne, soit qu’elle comprît que dans l’état d’exaltation violente où il était, le mieux était de le laisser agir à sa guise, soit pour toute autre raison enfin, elle ne se choqua ni s’étonna et avec la même inaltérable douceur :
    – Je t’écoute, dit-elle.
    Saêtta, la tête penchée, l’œil perdu dans une sombre méditation, se mit à marcher de ce pas souple et rude qui lui était particulier. Et avec son œil injecté de sang, sa moustache hérissée, le mufle proéminent, comme s’il s’apprêtait à mordre, il rappelait ces grands félins aux heures de nostalgie, lorsque, regrettant la liberté et les vastes espaces sous le soleil brûlant des tropiques, ils tournent et retournent en grondant sourdement dans l’étroite et sombre cage où l’homme implacable les tient enfermés.
    Et sans doute eut-il vaguement conscience de l’incorrection de ses attitudes, car il murmura :
    – Excusez-moi, signora ; je vous l’ai dit, les souvenirs que j’évoque pour vous sont terriblement douloureux pour moi.
    Léonora eut un signe de tête indulgent qu’il ne vit pas.
    Enfin, il poussa un soupir qui ressemblait à un rugissement de bête qu’on égorge, et se campant devant la Galigaï, d’une voix sèche :
    – Signora, dit-il, depuis des années que vous me connaissez, vous m’avez toujours vu pareil à un tigre déchaîné… que diriez-vous si je vous apprenais qu’il y a longtemps, bien longtemps, dans cette poitrine de fauve, un cœur d’homme a battu ?
    Et sans attendre la réponse, il reprit :
    – Si incroyable que cela puisse vous paraître, c’est ainsi pourtant… Mon Dieu, je ne vous dirai pas que j’étais un agneau… Mon métier était de tuer pour vivre. C’est un terrible métier, je le sais !… Mais, puisqu’on ne m’en avait pas appris d’autre… et qu’il faut vivre !… Donc, métier à part, que j’exerçais le plus honnêtement que je pouvais, c’était là une époque de ma vie où je ne songeais ni à la haine, ni à la vengeance… vu que je n’avais que de l’amour au cœur… et que j’étais heureux.
    Il se tut un instant, comme si le souvenir de son bonheur passé l’eût écrasé.
    – J’avais dix-sept ans. On disait que j’étais beau. Brave, certes, je l’étais, et fort, et connaissant déjà le fin du fin de l’escrime, italienne, française, espagnole… Margarita avait quatorze ans. C’était la plus mignonne, la plus jolie, la plus gracieuse des filles de Florence qui en comptait cependant de fameusement jolies… J’en devins amoureux fou !… Et voyez ma chance : elle aussi elle m’aimait. Mais la Margarita était aussi sage et vertueuse qu’elle était belle… et ce n’est pas peu dire. Moi, j’étais un honnête garçon. C’est vous dire que les choses ne traînèrent pas et qu’un bon mariage, chrétiennement célébré, nous unit à tout jamais.
    Il poussa un rauque soupir et, en manière d’excuse :
    – Je vous ai avertie, signora, dit-il, c’est une histoire très banale, comme vous voyez.
    – Continue, dit doucement Léonora.
    – Ce fut une année de félicités sans pareilles. Je ne vivais que pour Margarita, que j’adorais, comme je n’ai certes jamais adoré la Madone Sainte. Elle, de son côté, ne voyait que moi. Nul n’existait en dehors de moi. Et au bout d’un an – une éternité de bonheur – Margarita mit au monde un ange blond et rose, beau comme on n’en voit pas d’aussi beaux dans les tableaux de nos églises… Alors, signora, notre pauvre logis fut tout illuminé, ce fut comme un vrai paradis… Car, en plus de notre amour qui allait en augmentant – ce qui eût pu nous paraître impossible –, nous avions le doux regard, si bleu, si pur de notre petite Paolina qui éclairait notre intérieur comme un éclatant rayon de soleil. Nous avions son rire si frais, si innocent, qui était comme un chant

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