Le Fils de Pardaillan
ils espéraient deviner par les gestes et les physionomies ce qui se disait. Et leur inquiétude grandissait, car le roi se montrait bien disposé envers celui qu’ils redoutaient.
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Chapitre 25
C ependant Henri IV et Pardaillan s’étaient assis face à face, dans le carrosse.
– Mon ami, commença le roi, vous savez que j’ai pleine et entière confiance en vous. (Pardaillan s’inclina silencieusement.) C’est vous dire que, puisque vous m’assurez des bonnes intentions de ce Jehan le Brave, puisque vous me répondez de lui…
Voyant qu’il laissait la phrase en suspens, le chevalier répéta :
– J’en réponds, Sire !
– Puisqu’il en est ainsi, ce jeune homme ne sera pas inquiété, je vous en donne ma parole… Cependant… vous le connaissez donc bien…, particulièrement ?
– Sans doute, Sire ! Sans quoi, je ne répondrais pas de lui comme je le fais.
– C’est ce que je voulais dire, reprit le roi. Et regardant Pardaillan droit dans les yeux :
– J’ai besoin de savoir aussi, moi !… et je crois que vous pouvez me renseigner… Qu’est-ce au juste que ce jeune homme ? Car, enfin, Jehan le Brave, ce n’est pas un nom, cela. Et les rapports que l’on m’a faits de lui ne sont pas précisément à son avantage.
A son tour, Pardaillan regarda Henri dans les yeux, et, très calme :
– C’est mon fils !
Henri frappa des deux mains sur ses cuisses et joyeusement s’exclama :
– Je m’en doutais !… Pardieu !… me voilà pleinement rassuré. Et avec un intérêt affectueux :
– Ainsi, vous avez enfin retrouvé cet enfant que vous cherchez depuis votre retour d’Espagne ? c’est-à-dire depuis tantôt vingt ans, si je ne me trompe ? J’en suis bien aise pour vous, mon ami… Peut-être me sera-t-il donné de faire pour le fils ce que je n’ai pu faire pour le père.
Pardaillan s’inclina encore avec, aux lèvres, un sourire un peu sceptique.
– Mais dites-moi, continua Henri, il semble ignorer que vous êtes son père.
– Il l’ignore en effet, Sire. Et il l’ignorera quelque temps encore.
– Pourquoi ?
– Une idée à moi, Sire.
– Bien, bien. Je ne vous demande pas vos petits secrets de famille… Ainsi, c’est votre fils ?… Et vous dites qu’il connaît ceux qui désirent ma mort ?
– Quelques-uns tout au moins, Sire, dit froidement Pardaillan.
Une ombre passa sur le front du roi. Et lentement, avec une sorte d’hésitation :
– Et si je vous demandais… de me les désigner, ces ennemis… à vous ou à votre fils ?
Pardaillan se redressa et, fermement :
– En ce qui me concerne, le roi peut me demander ma vie… je suis prêt à la risquer pour lui… et je crois le lui avoir prouvé…
– Mais il ne faut pas vous demander une délation ? fit Henri IV non sans regret.
– Le roi l’a dit ! répondit simplement Pardaillan.
– Mais, votre fils, dit vivement Henri. Il parlera peut-être, lui !
– J’en doute !… Le roi peut essayer cependant.
Henri vit le sourire qui accompagnait ces paroles de Pardaillan. Il fut fixé :
– Tel père, tel fils ! dit-il avec un soupir de regret, n’en parlons plus !
Pardaillan ne répondit pas, mais son air disait clairement que c’était ce que le roi avait de mieux à faire.
Cependant Henri IV avait son idée, comme Pardaillan la sienne, d’ailleurs. Seulement, Pardaillan connaissait l’idée du roi, qui la laissait percer dans son attitude inquiète. Et Pardaillan attendait patiemment qu’il eût vidé son sac pour l’amener là où il voulait.
– Votre fils, reprit le roi après un silence, aura peut-être besoin de me voir… on ne peut pas savoir, avec ces ténébreuses machinations.
– Peut-être, en effet, fit Pardaillan évasif.
– Eh bien, vous ou lui, n’aurez qu’à prononcer votre nom : Pardaillan, pour être admis près de moi. A quelque heure du jour ou de la nuit que ce soit. Vous me comprenez, Pardaillan ?
– Fort bien, Sire. Vous vous dites qu’il vaut mieux prévenir un… accident comme celui de tout à l’heure, que de courir le risque d’arriver trop tard pour l’entraver.
– C’est cela même, fit Henri avec satisfaction. Et maintenant, mon ami, entre nous, là, la main sur la conscience, qu’allait faire votre fils sur les terres de M me de Montmartre, lors de cette algarade du gibet ? Pardaillan réprima un sourire et de son air naïf :
– Il allait à l’abbaye, délivrer
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