Le Fils de Pardaillan
certaine jeune fille dont il est féru, qu’on y avait attirée par ruse et qu’on y détenait par violence, contre tout droit.
– C’est de Bertille de Saugis que vous voulez parler ? demanda Henri qui se sentit mal à l’aise.
– Elle-même, Sire.
– Et vous dites qu’on la détenait par violence à l’abbaye de Montmartre ? Qui donc a osé ?… Et pourquoi ?…
– Qui ? Je l’ignore, répondit Pardaillan très froid. Pourquoi ? Parce que cette jeune fille possède, en dépôt, des papiers dont on redoutait la divulgation.
– Pourquoi ne m’avoir pas avisé ?… Croyez-vous donc que je me désintéresse de cette enfant à ce point que je la laisserais persécuter sans châtier comme ils le méritent les coupables, quels qu’ils soient ?…
– Vous avez dit vous-même : tel père, tel fils, fit Pardaillan avec flegme. Mon fils, il paraît, aime assez à faire ses affaires lui-même… Il n’a pas tort, à mon sens. D’autant que, Votre Majesté le sait, il est de force à défendre vigoureusement ceux qu’il aime.
Le roi réfléchit un instant et, avec une pointe d’inquiétude :
– Que sont ces papiers dont la divulgation gênerait certaines personnes ?
– Que Votre Majesté se rassure, fit Pardaillan qui avait compris le sens de cette inquiétude, ce sont affaires de famille qui ne touchent en rien le roi… même de très loin.
Le roi eut un soupir de soulagement et s’informa :
– J’espère que plus rien ne menace cette jeune fille, à présent ?
– Heu !… à dire vrai, je crois qu’elle ne sera réellement en sûreté que dans quelque temps… quelques semaines… quelques mois peut-être.
Et désignant du coin de l’œil Jehan qui allait et venait à quelques pas du carrosse, Pardaillan ajouta :
– Mais elle a quelqu’un qui veille sur elle… et ce quelqu’un n’est pas homme à crier à l’aide quand il peut agir lui-même.
– Je ne l’entends pas ainsi ! s’écria Henri avec vivacité. Sachez, Pardaillan, que si cette enfant n’occupe pas près de moi un rang honorable, c’est qu’elle-même a formellement refusé les offres bienveillantes que je lui ai faites avec insistance. Si quelqu’un la menace, j’entends en être avisé. Je n’hésiterai pas à intervenir moi-même en personne. Après tout, elle est de mon sang.
Pardaillan acquiesça de la tête. Mais il avait un sourire qui disait juste le contraire.
– A présent que cette affaire de votre fils est tirée au clair, reprit le roi après un court silence, dites-lui de ma part qu’il s’abstienne pendant quelque temps d’aller du côté de l’abbaye de Montmartre… Ceci pour éviter de nouveaux malentendus semblables à celui du gibet.
Pardaillan eut un sourire aigu. Le roi était venu là où il le voulait. Au lieu de répondre à ce qu’il lui disait, il dit paisiblement :
– Le roi, qui veut bien s’intéresser à mon fils et à moi, ne demande pas le nom de la mère de cet enfant ?
– Au fait, dit le roi non sans quelque curiosité, qui est-ce ?
– La princesse Fausta, dit Pardaillan en le fixant de son œil clair.
Tout d’abord, le roi ne prit pas garde à ce nom. Ou plutôt il ne pensa pas à ce que Pardaillan cherchait indirectement à lui rappeler : le trésor de Fausta que son ministre, Sully, avec son assentiment, avait entrepris, sans scrupule, de faire entrer dans les coffres royaux. Non, la passion furieuse qu’il avait toujours eue pour les femmes se manifesta seule chez le Vert-Galant.
Il fixa sur Pardaillan, très froid, des yeux où s’allumait une flamme, et avec un léger sifflement d’admiration :
– Malepeste ! s’écria-t-il. Belle femme !… à ce qu’on m’a assuré, du moins… Car je n’eus point l’heur de la voir. Mes compliments, mon ami !
– Belle femme, oui, Sire, répliqua Pardaillan sans sourciller, et que vous n’avez point connue… fort heureusement pour vous.
Et d’un air négligent :
– Fabuleusement riche.
Henri tressaillit et sentit un malaise l’envahir. Maintenant, la pensée du trésor lui venait. Et dame, il était forcé de s’avouer que cette affaire n’était pas à son honneur… Il s’en fallait de beaucoup. Aussi le coup d’œil qu’il coula sur Pardaillan et sur son fils marquait-il quelque inquiétude.
Pardaillan, sans paraître remarquer ce trouble subit, continua imperturbablement :
– Si riche qu’elle a pu cacher, aux environs de Paris, dix
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