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Le Fils de Pardaillan

Titel: Le Fils de Pardaillan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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étonnés et attendris. Comme l’amour vous change un homme !… Voici maintenant que leur Jehan leur parlait avec une douceur qui leur remuait les tripes, voici qu’il s’inquiétait d’eux, voici qu’il les remerciait. Outre !…
    Mais ils ne bougèrent pas.
    – Allons, fit Jehan qui les connaissait, parlez… Que voulez-vous ?
    – Eh bien, c’est pour dire à cette noble demoiselle… enfin, bref, si elle avait prononcé votre nom, comme elle l’a fait trop tard, on ne l’aurait jamais conduite chez le Concini.
    – Je le sais, fit doucement Jehan.
    – Oui, mais nous voudrions qu’elle le sût aussi, elle !
    – Et aussi que nous n’aurions pas laissé faire le Concini. Si vous n’étiez intervenu à temps, nous allions lui régler son compte.
    – On n’est pas aussi mauvais diables qu’on le paraît et on ne voudrait pas que la demoiselle crût… suffit… on se comprend.
    Oui, ils se comprenaient. Par malheur, ce qu’ils éprouvaient était si nouveau pour eux, qu’ils ne savaient comment l’exprimer, en sorte qu’ils couraient le risque de ne pas être compris, eux qui se comprenaient si bien. Heureusement, Bertille devina ce qu’ils ne savaient pas dire. Elle leur tendit sa main fine dans un geste d’abandon en leur disant avec douceur :
    – Je ne veux me souvenir que d’une chose : c’est que vous avez eu pitié de ma détresse quand mon bourreau essayait de me broyer le cœur… Tout le reste est effacé de ma mémoire.
    Ils se courbèrent, effleurèrent – à peine – du bout des lèvres, l’extrémité des ongles roses, et redressés, radieux, exultants :
    – Eh ! zou !… Vive la pitchounette !… Le premier qui se permet de la regarder, je lui mange le cœur !… On se ferait étriper joyeusement pour elle !
    Ils filèrent, heureux comme au retour d’une expédition fructueuse, et s’en furent tout droit jusqu’à certain cabaret borgne de leur connaissance qu’ils se firent ouvrir. Là, ils s’installèrent commodément devant une table plantureusement garnie de victuailles variées, flanquées d’un nombre respectable de bouteilles, et joyeux, insouciants, tapageurs, ils attaquèrent bravement les provisions, l’appétit doublement aiguisé par la besogne abattue et par l’émotion, inconnue jusqu’à ce jour, qu’ils venaient d’éprouver.
    Pendant ce temps, les deux jeunes gens étaient introduits auprès du duc et de la duchesse d’Andilly, qui prirent la peine de venir les recevoir jusque sur le perron de leur hôtel.
    Le duc était un homme d’une quarantaine d’années. Figure comme voilée de mélancolie, mais franche, ouverte. Œil noir, très doux, droit, clair. Sourire accueillant, manières affables. Grand seigneur jusqu’au bout des ongles.
    La duchesse avait dépassé la trentaine. Elle était merveilleusement jolie, avec son teint éblouissant, relevé par la masse sombre de ses cheveux retombant en mèches folles sur le front et sa raie jetée cavalièrement sur le côté. Ce visage gracieux était éclairé par deux grands yeux mutins, animé par un sourire doux et malicieux à la fois qui découvrait une rangée de dents petites, nacrées, bien plantées, de véritables perles. L’ensemble de sa personne avait un cachet original, piquant, qui contrastait agréablement avec la beauté blonde de Bertille.
    Le duc et la duchesse s’exprimaient en un français très correct, avec un léger accent étranger qui était un charme de plus ajouté à la duchesse. Ils étaient Espagnols, en effet.
    L’ameublement somptueux du salon où ils se trouvaient trahissait leur origine étrangère. On y pouvait voir quantité de meubles d’essences rares, incrustés d’ivoire, finement travaillés, découpés et ajourés de précieuses dentelles, sièges bas, profonds, moelleux, objets d’art aux formes bizarres. L’art français et l’art arabe s’y trouvaient confondus en un désordre apparent des plus agréables à l’œil.
    Les deux jeunes gens furent accueillis comme s’ils avaient été des princes du sang. Il faut croire que la recommandation du chevalier de Pardaillan avait, aux yeux du duc, une inappréciable valeur. Peut-être le duc et la duchesse avaient-ils de grandes obligations au chevalier, car jamais réception ne fut plus cordiale dans sa simplicité toute familiale, jamais hôtes ne furent plus accueillants, plus délicatement attentionnés, plus rayonnants. On eût juré que dans cette affaire, ils étaient

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