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Le Fils de Pardaillan

Titel: Le Fils de Pardaillan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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avez confiée ne courra aucun danger en leur absence. Elle sera bien gardée d’abord ; ensuite tout le monde ignore le lieu de sa retraite. Vous voyez (et ici il prit un air goguenard), vous voyez que ce petit voyage, décidé avant notre visite, ne souffre aucun inconvénient… si ce n’est qu’en l’absence de la duchesse, vous ne pourrez venir présenter vos hommages… à la jeune personne qui est là, dans cette pièce. Aussi, je vous engage vivement à lui faire vos adieux séance tenante, car vous en avez pour deux jours… et deux jours, pour un amoureux, c’est long, terriblement long.
    Pour couper court à l’embarras visible du jeune homme, la duchesse s’écria :
    – Pourquoi ne venez-vous pas à Andilly avec nous, chevalier ? Vous en profiterez pour visiter vos terres.
    – De quelles terres parlez-vous donc, duchesse ? fit Pardaillan d’un air ébahi.
    – Mais… de votre terre de Margency !
    – Ma chère Giralda, vous oubliez que Margency n’est plus à moi… puisque je l’ai donné.
    – Donné ! intervint don César, dites plutôt que vous laissez dévaster à plaisir ce superbe domaine par tous les miséreux de la contrée qui s’y installent comme chez eux et y vivent grassement.
    Pardaillan eut un sourire énigmatique.
    – Bon, fit-il, s’ils y vivent, c’est qu’ils le travaillent… donc ils ne le dévastent pas comme vous dites. Et quant au château lui-même, je suis sûr qu’ils le respectent et que nul n’y a pénétré.
    Une étrange émotion s’était emparée de lui en prononçant ces paroles et en lui-même, il sanglotait, les yeux fermés :
    « C’est là qu’est morte ma Loïse !… celle que je pleure encore, après quarante ans !… Non, nul ne profanera de sa présence les vastes salles aux parquets autrefois luisants, aujourd’hui recouverts d’un épais tapis de poussière, et que son petit pied foula jadis… Non, je ne rentrerai pas dans cette maison où tout viendrait me rappeler qu’elle n’est plus, celle que j’ai tant aimée… alors que je la sens et la veux toujours vivante dans mon cœur !… »
    Sans remarquer cette émotion qui s’était traduite à sa manière accoutumée, c’est-à-dire par une extrême froideur de ses traits soudain pétrifiés, don César s’écria :
    – Il ne manquerait plus que cela !… Et dire, monsieur (il s’adressait à Jehan), que j’ai acheté Andilly parce qu’il touche à Margency !… J’avais fait ce rêve de nous retirer sur nos terres et d’y vivre, côte à côte, comme deux frères, la bonne et saine vie du gentilhomme campagnard. Il aurait eu là un intérieur et une famille au sein de laquelle il eût trouvé les soins dévoués et les attentions qu’exige la vieillesse… Car enfin, vous avez beau être bâti en pur acier, l’âge, tôt ou tard, vous courbera sous sa main pesante… Eh bien ! non, je n’ai jamais pu décider cet homme singulier à nous suivre… Au reste, vous le voyez, alors qu’il sait très bien qu’ici il est chez lui, que tout lui appartient, choses et gens, il préfère descendre à l’auberge, comme…
    – Cher ami, interrompit paisiblement Pardaillan, si vous m’aviez fait connaître vos intentions avant d’acheter Andilly, je vous aurais dit de n’en rien faire. Ce n’est vraiment pas ma faute si vous ne m’en avez parlé que lorsque la chose était déjà faite. Quant à l’auberge où je descends comme un vieux routier que je suis (c’est ce que vous alliez dire, je crois) et que je resterai, je l’espère, jusqu’à mon dernier souffle, n’en dites pas trop de mal… L’auberge a du bon, don César, lorsqu’on la trouve au bout de la longue étape sous la pluie battante, ou la caresse trop ardente du soleil… Et si l’hôtelière est avenante, la cuisine délectable, la cave bien garnie, vive Dieu ! c’est le paradis !… surtout si on le compare à cette auberge, que j’ai rencontrée plus souvent qu’à mon tour, et qu’on appelle la
Belle Etoile.
    Jehan écoutait ces choses avec une stupeur qui allait croissant. Et, de plus en plus, il se posait la question : qu’était-ce donc que cet homme qui affrontait les pires supplices, bravait et battait la princesse Fausta (dont Saêtta lui avait quelquefois parlé), le roi d’Espagne et l’Inquisition (monstre fabuleux toujours altéré de sang), pour conquérir un titre et une fortune à un ami ? Cet homme qui exposait sa vie avec une folle insouciance, se

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