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Le Gerfaut

Le Gerfaut

Titel: Le Gerfaut Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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pût finir un jour. Ils se croyaient oubliés, voués au rôle subalterne de chien de garde et voilà qu’ils allaient se trouver au cœur même de l’action, voilà qu’ils devenaient indispensables et qu’ils étaient désormais certains de ne pas mourir pour rien. Ce soir-là les malades eurent moins de fièvre et les mourants s’endormirent avec le sourire.
    — Ce que je ne comprends pas, fit Tim en se grattant la tête, c’est ce que Cornwallis peut bien espérer en s’enfermant dans un fortin comme Yorktown. Ce n’est même pas une place importante. Alors pourquoi perdre du temps à forger au lieu de continuer sa route ?
    — Parce qu’à moins de faire l’énorme tour que nous avons fait nous-même il lui faut franchir l’estuaire. Et pour ça, il attend la flotte de l’amiral Rodney qui devrait emmener ses hommes sans fatigue jusque sous New York. Espérons seulement que l’amiral de Grasse arrivera avant lui…
    Le sort était désormais jeté. Les lentes manœuvres de l’hiver, les échanges de lettres, les conciliabules, le patient travail des espions se rejoignaient enfin pour que l’heure du destin sonnât à l’horloge américaine. Il fallait vaincre à Yorktown ou bien renoncer pour toujours au rêve merveilleux de l’Indépendance…
    1 .  Typhus ou Typhoïde.
    2 .  Les tentes américaines comportaient une cheminée extérieure.
    3 .  Princesse indienne qui, au XVII e siècle, s’éprit d’un Anglais après l’avoir sauvé, l’épousa et vint à la Cour d’Angleterre.

CHAPITRE XIV
    AU RENDEZ-VOUS DU DESTIN…
    Yorktown !… Sous les plis rouges et bleus de l’Union Jack, une forteresse de rondins hérissée de canons, érigée sur une pointe enfoncée dans la rivière York et protégée de deux solides redoutes. Des maisons basses dont le bois grisonne, des tours de guet, le clocher fragile d’une petite église. Et puis, tout autour, des marais, des roseaux, des pins maritimes, quelques collines jaunes, boisées et bien propres à servir de postes d’observation et enfin, vers l’est, l’énorme déchirure de la Chesapeake bâillant sur l’immense océan…
    Appuyé à l’un des arbres qui abritaient son cantonnement, les bras croisés sur la poitrine, le lieutenant Goëlo observait, songeur, le gigantesque décor planté par le sort pour y jouer celui d’un peuple. Tout était en place pour le concert final. D’une rive à l’autre de la pointe dont la ville était le sommet, le haut commandement, uni comme on ne l’avait jamais été, avait tendu un véritable cordon de fer. En partant de Wormley’s Creek s’étiraient les troupes du général Greene remonté des Carolines, celles de La Fayette, celles du général Lincoln installées en dessous des lourds canons de l’artillerie américaine, voisine immédiate des quartiers de Rochambeau et de Washington situés tout près l’un de l’autre avec, devant eux, une partie de l’artillerie française. Ensuite venaient les régiments français rejoignant la rivière : celles du baron de Viomenil, celles du Vicomte son frère et enfin les trois mille hommes appartenant aux régiments de Gâtinais, d’Agenais et de Touraine, aux ordres du marquis de Saint-Simon, que l’amiral de Grasse avait débarqués, venant des Antilles…
    Et puis là-bas, barrant l’estuaire entre le cap Henry et le cap Charles, les hautes pyramides blanches de la flotte française, maintenue sous voiles réduites et dressée autour de la Ville de Paris , l’énorme vaisseau de 104 canons portant la marque du comte de Grasse, la flotte confortablement installée sur les lauriers de sa récente victoire sur l’amiral Graves et l’amiral Hood repartis lécher leurs plaies sous New York, mais toujours sur le qui-vive cependant. Qui pouvait dire si le redoutable Rodney n’allait pas lui tomber dessus pour tenter de forcer l’entrée de la Chesapeake et de libérer Cornwallis ? En attendant mieux, le gigantesque Grasse montait la garde, auréolé non seulement de sa victoire mais de l’énorme succès qu’il s’était taillé dans l’armée en sautant au cou de Washington, lors de leur première entrevue en l’appelant « mon petit général !… ».
    — Après toutes nos escarmouches, ça fait tout de même plaisir de voir enfin une grande bataille, marmotta Tim qui venait de rejoindre son ami. Il faut avouer que c’est assez impressionnant.
    — Une bataille ? Mais elle n’a pas encore commencé.
    — Tiens ?

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