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Le Gerfaut

Le Gerfaut

Titel: Le Gerfaut Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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retrouver ce sacré bac !…
    Mais l’Indien ne voulait plus de sa liberté. Dans un charabia invraisemblable émaillé de mots d’anglais, il affirma sa volonté de s’attacher aux pas de son sauveur et de s’instituer son rempart vivant dans les combats qui ne pouvaient manquer d’attendre un guerrier de sa valeur. Puis tirant le couteau qui pendait à sa ceinture, il s’entailla le bras et jeta quelques gouttes de sang sur le jeune homme.
    — Il dit que son sang t’appartient, expliqua Tim, et je commence à croire qu’il est sincère. Veux-tu de lui comme serviteur ? Au surplus, je crois que tu représentes à ses yeux une espèce de planche de salut.
    Tandis que l’on se mettait à la recherche du bac emporté par la crue, le rescapé raconta son histoire. Homme-médecine d’une petite tribu Onondaga du voisinage, il portait un nom parfaitement imprononçable qui signifiait le « Castor-qui-a-trouvé-la-plume-magique-de-l’aigle » et, comme l’avait dit Tim, il avait eu effectivement des malheurs dans l’exercice de sa profession. C’est ainsi que, pour soigner la vieille mère de son chef, atteinte d’une fièvre cérébrale, il n’avait rien trouvé de mieux que faire un trou dans la tête de la pauvre femme afin que le mauvais esprit pût s’échapper librement, ce dont sa patiente n’avait pas tardé à mourir. On lui avait alors reproché non la mort de la vieille femme, mais d’avoir employé une thérapeutique défendue car la chirurgie n’était pas d’usage chez les Indiens. Et comme la grande crue du fleuve avait suivi immédiatement le départ pour l’empire des morts de la mère de leur chef, emportant une moitié de leurs wigwams avec tout ce qu’il y avait dedans, les survivants décidèrent que leur sorcier ne valait pas cher et le jetèrent tout simplement dans le fleuve, le privant ainsi des funérailles sans lesquelles l’âme d’un guerrier mort ne saurait trouver le repos. C’était surtout cette dernière circonstance qui valait à Gilles la reconnaissance éperdue d’un homme qui, en bon Indien, ne craignait pas spécialement la mort.
    — Eh bien ! conclut Gilles, si le Général est d’accord je le garderai donc à mon service… mais à la condition expresse qu’il n’essaie jamais de me soigner si je suis malade ou blessé.
    Le nom de l’ex-sorcier lui semblant parfaitement impraticable, il en prit un morceau et le rebaptisa Pongo, ce dont l’intéressé parut ravi. Et tout de suite, Pongo se révéla d’une étonnante utilité. C’était peut-être un mauvais sorcier mais c’était un guerrier et un chasseur sans égal. Il savait faire une foule de choses, depuis les canoës d’écorce jusqu’aux huttes de branchages en passant par l’utilisation maximale du gibier abattu et l’art de trouver des racines mangeables. En outre, malgré ses jambes courtes, il était d’une force peu commune, d’une agilité extrême et d’une habileté rare : ainsi quand il ne trouvait pas ce dont il avait besoin, il s’arrangeait pour le voler sans qu’il fût même possible de le soupçonner. Enfin, son flair était plus développé que celui du meilleur limier.
    — Frère renard et Pongo sur piste, Pongo vainqueur ! proclamait-il avec un large sourire.
    Et Gilles, peu à peu, s’habitua à cette ombre cuivrée qui collait à lui autant que la véritable sans faire beaucoup plus de bruit. Pongo se nourrissait de rien, semblait toujours enchanté de son sort, parlait peu (Gilles mit six bons mois pour arriver à converser avec lui) mais souriait beaucoup, montrant ses immenses incisives qui furent bientôt aussi populaires dans l’armée que le plumet de La Fayette.
    On mit longtemps à atteindre la Virginie qui prit peu à peu les couleurs d’une véritable terre promise. D’Elk Point où l’on attendit en vain la petite flotte du chevalier Destouches qui s’était vu barrer la route par toute la puissance navale de l’amiral anglais Arbuthnot et avait dû rebrousser chemin, il fallut remonter en Maryland, autour de Baltimore où La Fayette s’arrangea une fois de plus pour mettre les dames à l’ouvrage, contourner l’énorme baie de la Chesapeake, franchir le Potomac et finalement arriver sous Richmond qu’Arnold avait entrepris de brûler.
    Le printemps se passa tout entier en escarmouches dans un redoutable jeu de cache-cache et de chat-perché où l’on passait tour à tour du rôle de chasseur au rôle de chassé mais sans

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